Agir localement pour la biodiversité et contre le changement climatique ? Non seulement c’est possible, mais en plus ça urge. Plus de 300 participants se sont rassemblés à Marseille le 14 octobre pour la deuxième édition de la journée Sudbiodiv’.
Organisées par l’Agence régionale de la biodiversité et de l’environnement (Arbe), organisme mis en place par la loi en 2015, les journées Sudbiodiv visent à faire se rencontrer et débattre les acteurs de l’environnement en région. Pour cette deuxième édition, Jean Jouzel, le climatologue et ancien vice-président du GIEC, était invité en tant que grand témoin. Avec un message fort : « Pour agir en faveur de la biodiversité et du climat, les textes et les outils sont là, assure le scientifique. Mais aujourd’hui les mesures ne sont pas à la hauteur des ambitions. Et localement, les collectivités et les entreprises peuvent faire beaucoup de choses. La réalité pour la biodiversité et le CO2, ça se passe dans les territoires ! »
45° en 2050
Et la situation nécessite plus que jamais d’agir. « Des températures à 50 degrés à Marseille en 2050, c’est possible, rappelle le climatologue. Pour le moment, on est déjà sur une pente à 45 degrés ! » Du côté de la biodiversité, aussi, les voyants sont au rouge : « En Paca, les espèces protégées ne vont pas trop mal, estime Anne Claudius-Petit, conseillère régionale et président de l’Arbe. Mais les autres souffrent beaucoup. » Et tous les élus ne semblent pas encore avoir pris la mesure des enjeux. « En allant à la plage récemment, j’ai vu une commune qui avait construit un parking en bord de mer en mettant du bitume noir jusqu’aux rochers, en contradiction avec le plan d’urbanisme, déplore Richard Chemla, vice-président à la transition écologique à la métropole Nice Côte-d’Azur. Dans ces cas-là on ne se décourage pas, on reprend la discussion… »
Remettre de la nature dans les écoles
Car les solutions existent. Dans le Luberon, le parc naturel régional a lancé un grand programme pour préserver les zones humides. « On a fait un grand travail de recensement, puis avec l’aide de la SAFER et du Conservatoire de l’environnement, on a mis en place des contrats de fermage avec des clauses environnementales, détaille Laure Galpin, directrice du parc. Préserver une zone, ça coûte cinq fois moins cher que devoir la reconstituer ! » Autres chantiers : la mise en œuvre d’aides techniques et financières (de 70 % à 90 % des coûts) pour inciter les petites communes à remettre en nature les cours de leurs écoles. Une action qui permet de baisser le niveau de chaleur, d’améliorer le cycle de l’eau, et de reconnecter les enfants à la nature.
« Que l’on soit en ville ou à la campagne, des solutions existent pour pouvoir sur un même projet avoir trois ou quatre impacts positifs à la fois, assure Freddy Rey, directeur de recherche à l’Inrae (Institut national de recherche sur l’agriculture et l’environnement). Que ce soit sur la biodiversité, le réchauffement climatique, la santé, le développement économique… Mais pour les mener à bien, il faut que chaque maillon soit totalement impliqué. » « Récemment, la métropole Aix-Marseille a remis en eau les méandres de l’Huveaune, abonde Anne Claudius-Petit. Cela a coûté 8 millions d’euros et cela représente un réservoir potentiel de 35 000 m³, presque autant que la station Géolide, derrière le stade Vélodrome, qui a coûté 40 millions. » Les solutions efficaces et peu coûteuses sont à portée de main : reste à s’en emparer..
Inquiétude sur les orientations gouvernementales
Dans les débats de Sudbiodiv, un sujet largement partagé : l’inquiétude face à la composition du gouvernement Barnier et ses orientations budgétaires. Au vu des premières tendances sur le projet de loi de finances, qui comporte entre autres une baisse de 1 milliard du Fonds vert dédiés aux collectivités, « on ne voit pas comment tenir les objectifs [de réduction carbone et de préservation de la biodiversité] avec les moyens alloués », juge le climatologue Jean Jouzel. « Faire des économies sur les collectivités locales qui sont le premier investisseur sur les solutions environnementales, ce n’est pas la bonne solution », met en garde Anne Claudius-Petit, conseillère régionale de Paca et présidente de l’Agence régionale de la biodiversité et de l’environnement