Depuis janvier 2022 existe à Cadenet, un Conseil Local de l’Alimentation. Nous en avions parlé à Bleu Tomate (voir article ici), dans le cadre du PAT Luberon. Nous avons voulu faire le point, 2 ans après. Entretien avec Eric Gauthier, de l’Association Au Maquis.
L’objectif annoncé, avant même la mise en place d’une Caisse Locale de Sécurité Sociale de l’Alimentation, c’était d’expérimenter, de faire l’apprentissage de la démocratie participative. Et pour Eric, les résultats vont au-delà des espérances. « A la fin de la période d’apprentissage, fin juin 2022, le groupe a souhaité continuer de travailler ensemble. Et d’aller plus loin encore, en imaginant et réalisant une carte de l’avenir alimentaire désirable de Cadenet en 2052 !! ».
Construire une caisse locale
Le premier projet, une cantine avec une alimentation de qualité, a du être abandonné. De multiples barrières se sont dressées les unes après les autres. Alors le groupe a travaillé sur la construction de sa caisse locale. Une mobilisation maximale pour étudier pendant un an le cadre du conventionnement. Quels critères de choix des producteurs ? Quels produits prendre en charge ? Quelles exigences pour définir les modes de production ? Mais aussi quels lieux de vente pour accueillir ces produits ? Ils ont poussé le détail jusqu’à établir une grille définissant le taux de prise en charge par la Caisse de Cadenet (conventionnement) suivant cinq critères : respect des conditions de travail, impact environnemental, taille de l’unité et indépendance vis-à-vis de l’agro-industrie .
Trente trois bénéficiaires
« Fin 2022, nous avons reçu de la Fondation de France une subvention de soixante mille euros. Et nous avons décidé de l’attribuer à ce groupe, qui entre-temps s’est organisé en association, la CLAC, Caisse Locale de l’Alimentation de Cadenet. Au sein de ce groupe, 33 personnes ont été tirées au sort pour être les premiers bénéficiaires de la carte SSA. Et elles se sont immédiatement impliquées dans le processus de conventionnement, pour déterminer le taux de prise en charge (de 0 à 100%) de chacun des produits présents dans les 3 lieux de ventes alimentaires choisis ».
Ces lieux proposent les références (huit cent) qui ont été retenues par la CLAC. Pas de produit hyper transformé. Juste des produits issus du terroir selon des modes de production respectueux de l’environnement, des humains qui y travaillent et du bien-être animal.
Une feuille de soins alimentation
Mais la résultante la plus visible est la création de « feuilles de soins alimentation ». Le choix a été fait d’une solution manuelle des formulaires plutôt qu’une solution numérique. L’humain doit rester au coeur du dispositif. Eric raconte avoir vécu des moments particulièrement émouvants lorsque la première réunion du groupe a permis de comptabiliser les achats et compléter le formulaire, ressemblant à une feuille de soins médicaux. « Un magnifique moment de solidarité et d’entraide ».
Laisser chaque territoire rêver son modèle
A la question « qu’en est il des autres expériences menées sur le même sujet », la réponse est claire. « Le fonctionnement que nous avons choisi sur Cadenet n’est pas le seul modèle existant. En fait il existe, au sein de la trentaine d’initiatives recensées, une grande « biodiversité » de fonctionnements. Mais une chose est sûre, l’ambition d’aller vers une SSA ne peut être menée QUE par le citoyen. Le temps d’apprentissage collectif de la démocratie citoyenne ne peut être que du temps long. Le politique, la collectivité territoriale ne l’ont pas ! En outre, ici à Cadenet il n’y avait pas d’exigence de résultat, ce qui n’est pas possible dès lors que des financements publics sont octroyés. En Gironde ou à Grenoble, les collectivités commencent à s’emparer du sujet, et personnellement, je suis très inquiet que les citoyens soient dépossédés de cet outil démocratique de territoire».
« Ignorer l’urgence pour fabriquer du temps long »
Ce qui fait la réussite de ce projet, c’est encore et surtout le travail collectif. La confrontation de visions et idées divergentes qui amènent à un consensus accepté par tous. Cette pensée collective n’est pas celle d’un seul mais bien une solution dont auront débattu ceux et celles qui en bénéficieront. Ce n’est pas un vote ! Et c’est toute la différence. « Nous n’avons plus le temps d’aller vite, renchérit Eric Gauthier, on voit bien que les solutions rapides ne sont pas efficaces et les raccourcis proposés finissent par coûter cher ». Alors souhaitons à la CLAC de faire des émules dans notre région Sud !!