Le 1er tour des élections régionales a lieu dimanche. En PACA, la tête de liste de la coalition Europe Ecologie Les Verts, Front de Gauche, Nouvelle Gauche Socialiste et Citoyen-ne-s Engagé-e-s, associée à Jean-Marc Coppola, détaille les grandes lignes de son programme à quelques heures du vote.
société • environnement • transport • agriculture • politique
Société
B.T. : Avant les attentats du 13 novembre, le thème de la sécurité était déjà fort. Depuis, il a envahi le débat. De quels messages êtes-vous porteurs ? Comment mieux assurer la protection des citoyens en région et en France ?
S. C. : Nous avons tous été profondément touchés par ces attentats. Nous avons rendu hommage aux victimes et à leurs familles, ainsi qu’aux équipes de secours et aux forces de l’ordre. Ces agents du service public ont montré à quel point ils sont importants et nous pensons justement que la défense et la protection de nos concitoyens passe par plus de moyens pour l’Etat.
La sécurité n’est pas une compétence de la Région même si elle l’assure aussi dans les lycées et les transports. Dans les gares et les TER, un dispositif « sûreté » s’appuie sur des mesures engagées dès 1998, avec des moyens humains – notamment une police ferroviaire -, du matériel (il y a de la vidéo-surveillance et elle continue d’équiper les nouvelles rames), une stratégie d’intervention efficace entre les différents services ainsi que de la prévention et la prise en charge des usagers.
Surtout, nous pensons que parler économie, emploi, éducation, formation, culture – qui sont là les réelles compétences de la Région – c’est aussi lutter contre l’obscurantisme et pour une société apaisée.
B.T. : Vous défendez l’idée d’une Région fraternelle. Beau concept mais vaste programme pour le mettre en place…
S.C : La Région Coopérative vise à créer un nouvel espace politique – un espace où les habitants de la région ont le pouvoir d’intervenir et d’agir plus directement sur les politiques publiques. C’est aussi mettre en relation les initiatives citoyennes qui se développent sur notre territoire en matière d’écologie, de culture, d’actions de solidarité… La Région peut donc créer du lien entre les habitants, via notamment des outils numériques, et les impliquer directement en les associant aux décisions avec, concrètement, une participation à des budgets participatifs, notamment en matière de projets d’aménagement et d’équipement. Oui, c’est une région fraternelle dans le sens où chaque habitant, quelque soit son statut professionnel, a le droit et la possibilité de prendre part aux politiques de la région pour l’intérêt général.
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Environnement
B.T. : Après les inondations dramatiques d’octobre en PACA, que faire pour éviter à l’avenir de telles catastrophes naturelles ?
S.C. : La Région peut contribuer à la prévention des inondations. Il faut anticiper, s’adapter, atténuer, ce sont des principes connus que nous essayons de faire respecter depuis longtemps. Il y a des critères climatiques à respecter : construire la ville sur la ville, ménager les espaces verts, laisser circuler l’eau. Nous voulons instaurer une règle verte pour l’aménagement du territoire. Il est grand temps de repenser notre aménagement du territoire pour que « le risque inondations » soit pris en compte non plus selon un facteur de récurrence exceptionnelle ou centennale mais pouvant subvenir bien plus souvent que par le passé. Et c’est en luttant contre le réchauffement climatique et la pression foncière exercée par une urbanisation galopante que nous pourrons éviter que de nouvelles catastrophes liées aux inondations se reproduisent.
« Faire de PACA la 1ère région solaire de France »
B.T. : En matière d’environnement et de transition énergétique, quelle est votre préférence: l’éolien, le solaire, les énergies de la mer ?
S.C. : La transition énergétique est une urgence. Il faut nous émanciper des énergies fossiles, pour des raisons environnementales mais aussi pour des raisons géopolitiques. Le pétrole est source de guerres et nous le constatons amèrement aujourd’hui.
Toutes les énergies renouvelables doivent être développées, et c’est une véritable mission de la Région que d’inciter et accompagner cette transition énergétique.
Nous disons depuis longtemps que nous voulons faire de PACA la 1ère région solaire de France. Avec le solaire, on produit de l’électricité et de l’énergie thermique. Un de nos premiers actes sera d’équiper tous les bâtiments publics en panneaux solaires. Nous avons aussi prévu un plan de 100 000 formations prioritaires dans les métiers de la transition écologique et énergétique – un véritable levier pour l’emploi dans de nouveaux secteurs.
B.T. : Dans cette région très touristique, comment comptez-vous traiter le problème des rejets de boues rouges d’Alteo Gardanne dans les calanques et la fermeture récurrente des plages à Marseille, pour cause de pollution côtière ou de l’Huveaune ?
S.C. : Les écologistes ont déposé une contribution à l’enquête publique sur les rejets des boues rouges d’Alteo où ils demandent que « les rejets d’effluents liquides soient conformes aux normes environnementales nationales et européennes et se plient à la réglementation sur les rejets polluants dans l’environnement terrestre et marin ». Le chantage à l’emploi n’est pas acceptable alors qu’Alteo a bénéficié de subventions publiques pour cesser de rejeter les boues rouges en mer. Nous refusons par ailleurs d’opposer « emplois » et « protection de l’environnement » car les deux doivent, tout au contraire, être complémentaires et se renforcer l’un et l’autre.
Quant à la question de la fermeture des plages, elle rejoint celle des inondations, car ce sont les mêmes causes – un aménagement du territoire mis en place de façon inconséquent – qui sont à la source de ces pollutions, notamment celle de l’Huveaune. C’est principalement la pollution charriée par les eaux de ruissellement lors des fortes pluies, avec une station d’épuration en incapacité de pouvoir absorber et traiter autant d’eau sale en si peu de temps qui crée ces pics de pollution. Rappelons que 85% des déchets rejetés sur le littoral viennent de la terre.
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Transport
B.T. : La Région a investi 830 M d’€ de matériel roulant ferroviaire depuis 1998. Pourtant, le sentiment d’inefficacité des TER reste fort chez les usagers. Quel est votre programme ? Quels seront les enjeux de la renégociation de la convention Région/SNCF en 2017 ?
S.C. : La situation actuelle trouve son origine dans plusieurs phénomènes : une entreprise qui n’a pas pris la mesure du besoin d’industrialisation lié à une croissance de l’offre de transport voulue par l’autorité organisatrice de transport – la Région, ndlr – ; une mauvaise maîtrise de l’exploitation en temps réel ; une direction régionale d’entreprise tiraillée entre des objectifs fixés par la Région et une direction nationale de moins en moins préoccupée par les notions de service public ; et enfin, une conflictualité entre direction et personnel liée notamment à une perception différente des enjeux et de la façon d’y répondre, avec son cortège de grèves à répétition de moins en moins comprises par les voyageurs et la Région.
Notre programme prévoit la poursuite d’objectifs ambitieux en matière d’essor du transport ferroviaire, comme la réouverture de lignes, de nouvelles fréquences, l’adaptation de la capacité des trains aux besoins, le renforcement de l’intermodalité dans les gares… Le préalable est le rétablissement d’une qualité de service optimale, ce qui passe par l’intensification des pressions contractuelles sur la SNCF pour que soient menés à bien tous les chantiers ouverts.
Tous ces sujets, ainsi qu’une meilleure maitrise des coûts d’exploitation, seront au cœur des négociations de la nouvelle convention Région / SNCF qui doit prendre effet début 2017.
B.T. : Vous parlez dans votre programme du rôle stratégique que pourrait remplir « l’étoile ferroviaire d’Aix-en-Provence », dans le futur réseau métropolitain. De quoi s’agit-il exactement ?
S.C. : Aix se situe à la convergence de plusieurs axes ferroviaires : Marseille – Aix, Aix – Durance, Aix – Etang de Berre et, via Gardanne, Aix – Trets et au-delà. C’est aussi un nœud de correspondance avec le réseau urbain du Pays d’Aix et, via la gare routière, avec le réseau régional et départemental (demain métropolitain) de cars.
Les projets que nous défendons et que nos élus sortants sont parvenus à faire inscrire au Contrat de Plan Etat Région 2015-2020 (en travaux pour les deux premiers, en études pour les deux autres), sont l’augmentation de la capacité de la ligne Marseille – Aix, afin de passer la fréquence à un train par quart d’heure et par sens en heures de pointe ; l’augmentation de capacité de la ligne reliant Aix au Val de Durance, avec la création de haltes ferroviaires supplémentaires à La Calade et à Venelles ; la reouverture au trafic voyageurs de la ligne d’Aix à l’Etang de Berre, jusqu’à Vitrolles-Aéroport-Marseille-Provence et au-delà vers Marseille, via Euroméditerranée ; et la réouverture, au moins partielle, de la ligne Gardanne-Carnoules, via Trets, St-Maximin et Brignoles.
Dans le cadre d’un partenariat avec la Métropole Aix Marseille Provence, un « RER » pourrait ainsi voir le jour entre Marseille, Aix, Vitrolles-Aéroport et Marseille. Il complèterait une ligne transversale reliant La Ciotat (ou le littoral Varois) à Miramas et au-delà. Les réflexions en cours entre les partenaires institutionnels, menées à l’initiative des élus écologistes de la Région, portent d’ores et déjà sur la mise en place d’une tarification unique des transports « non urbains » à l’échelle métropolitaine, avec correspondance gratuite avec les réseaux urbains.
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Agriculture
B.T. : Dans La Provence du 13 novembre, Marion Maréchal Le Pen prétend que si les surfaces agricoles reculent en PACA, ce ne serait pas tant à cause de la pression foncière que de la difficulté du secteur et au départ naturel d’agriculteurs, en « concurrence internationale déloyale », dit-elle. Qu’en pensez-vous ?
S.C. : Au contraire, la question des surfaces agricoles est intrinsèquement liée au coût des terrains. Les terrains agricoles valent plus que les terrains constructibles. Le problème est bien un problème de pression foncière. En 30 ans, la Région a perdu 20% de sa surface agricole productive. Les terres fertiles et agricoles doivent être préservées du bétonnage spéculatif, elles doivent être redistribuées et défendues pour favoriser les circuits courts, la souveraineté alimentaire, les productions de qualité, les emplois agricoles, l’installation des jeunes, la mise en place d’unités locales de transformation et de méthanisation des déchets.
Nous lancerons un programme d’acquisition de terres agricoles et créerons des espaces-test agricoles, qui permettent de développer une activité agricole de manière responsable et autonome, sur une durée limitée, et dans un cadre qui réduit la prise de risque. Ce dispositif est très utile pour favoriser les installations de personnes non issues du milieu agricole, de plus en plus nombreuses. La Région élaborera une véritable stratégie foncière régionale, harmonisera les schémas régionaux actuels (aménagement du territoire, transports, biodiversité…) autour d’une véritable cohérence écologique.
Enfin, nous développerons une politique volontariste d’acquisition foncière agricole, via l’établissement public foncier régional et la SAFER et pour faire face à l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, nous favoriserons la densification urbaine douce, par des aides aux logements existants.
« Nous souhaitons créer un label Provence Méditerranée pour identifier les produits agricoles régionaux »
B.T. : Elle dit aussi : « le tout bio, à moyen terme, n’est pas judicieux », ajoutant qu’avec des cantines 100% bio, comme le propose Christophe Castaner, candidat du PS, il faudrait importer. Elle préfère parler d’agriculture raisonnée. Quelle est votre vision de l’agriculture en PACA ? Que préconisez-vous comme orientations ?
S.C. : Mme Le Pen reprend à son compte le discours des chambres d’agriculture qui sont dans des modèles de développement plutôt à l’opposé de ceux de l’agriculture biologique. Comme le souligne Bio de PACA, « l’agriculture raisonnée est un concept imaginé à l’origine par les tenants de l’agriculture intensive et les lobbies de firmes phytosanitaires, vide de sens sur le plan des exigences environnementales (simple respect de la réglementation et engagement de n’appliquer des traitements que lorsque cela est nécessaire) et aujourd’hui complètement obsolète. Un décret de février 2014 paru au Journal Officiel a officialisé la disparition de la certification « agriculture raisonnée » (réponses de Bio de Provence à MMLP après le « face aux lecteurs » du quotidien La Provence.
B.T. : Christophe Castaner, pour l’agriculture, propose une centrale d’achat régionale, une agence de l’innovation et l’utilisation des fonds européens. Qu’en pensez-vous ?
S.C. : Mr Castaner propose une mesure dont la mise en place est déjà en cours. En effet, les écologistes, à la vice-présidence Santé/Alimentation à la Région, ont contribué à la mise en place d’un observatoire des circuits courts. Cet observatoire était la première étape, indispensable, avant une centrale d’achats régionale. Une Agence Régionale pour l’Innovation et l’Internationalisation des Entreprises a déjà été créé en 2014. S’il s’agit d’une Agence de l’innovation dans le seul domaine agricole, il faut voir précisément à quoi elle serait destinée. Sur les fonds européens, c’est le Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (FEADER) qui peut jouer pleinement pour soutenir et développer l’agriculture en PACA.
Pour la période 2014-2020, le Conseil Régional PACA devient Autorité de gestion de l’ensemble des fonds européens (soit près de 950 millions d’euros) avec 470 M€ pour le FEADER au total. Il faut utiliser et mobiliser à 100% ces financements européens.
B.T. : Quel est votre programme par rapport aux filières d’excellence : vins, lavande, truffes, figues du Var, citrons de Menton… ?
S.C. : Ces filières sont directement liées à ce que nous défendons depuis de nombreuses années : des produits locaux, de proximité, avec une forte identité locale et qui sont les plus beaux ambassadeurs des circuits courts, de la production de PACA.
Nous souhaitons par ailleurs créer un label Provence Méditerranée pour identifier les produits agricoles régionaux et favoriser les circuits courts, la vente en halles locales et marchés de plein vent, les drive fermiers, les épiceries solidaires et banques alimentaires qui viendront compléter ces filières d’excellence qui exportent parfois leurs produits à l’international.
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Politique
B.T. : Vous êtes crédités de 11,5% d’intentions de votes au 1er tour (sondage IFOP mi-octobre). Que ferez-vous au 2ème si vous êtes qualifiés ? Retrait ? Consignes de votes en faveur du candidat Les Républicains s’il y a un coude à coude avec le FN ?
S.C. : En démocratie et lors de toute élection, une règle doit s’appliquer, c’est celle du choix des électeurs et des citoyens qui s’expriment par le vote. Attendons de voir les résultats du 1er tour pour pouvoir parler du second. Nous proposons aux électeurs une nouvelle offre politique avec des écologistes, les composantes du front de gauche mais aussi des citoyens engagés sur nos listes pour revivifier le débat démocratique.
B.T. : Vous avez été écartés de la réunion du 29 octobre organisée par la Chambre de Commerce et d’Industrie Marseille Provence. Un camouflet ? N’est-ce le signe que votre candidature ne pèse pas assez dans le débat ?
S.C. : Ou le contraire… Nous avons présenté 40 propositions pour l’emploi qui sont concrètes et pragmatiques !