Sur les crêtes du petit Luberon, avant le retour des troupeaux et le réveil de la nature, l’heure est aux travaux d’entretien. Mais pas n’importe comment ! Et sous le regard attentif des enfants des écoles.
Le rendez-vous est fixé à 8h45 au parking de Vidauque, sur la commune de Cheval-Blanc (84). En ce lundi de février, la température est plus que frisquette, surtout quand le vent s’engouffre dans le vallon. Pas de quoi décourager les deux classes de CE1/CE2 ET CM1, partis à pied de leur école des Taillades.
Emmitouflés dans leur manteau et cachés sous leur bonnet, sacs de pique-nique sur le dos, ils arrivent en piaillant joyeusement. Direction, les crêtes du Colombier, 5 km au-dessus.
Un chantier à dos d’âne
Là-haut, les hommes des trois sociétés d’élagage et débroussaillage sont déjà à pied d’œuvre. Avec eux, les deux ânes qui ont vaillamment transporté, dans le sentier étroit et caillouteux, tout le matériel nécessaire aux travaux qui vont durer trois jours. Opération zéro CO2 et respect de la tranquillité du site.
« De toute façon, ici il n’y a pas d’accès 4X4, explique Nicolas Ripert, élagueur et propriétaire des ânes. Mais le matériel est encombrant. Il faut vraiment être calme avec les bêtes, et ça se passe bien. Leur avantage sur les mules, qui portent des charges plus lourdes, c’est qu’ils sont plus bas et se faufilent mieux».
Un chantier délicat
Au programme, élagage et débroussaillement. Pourquoi ? C’est Agathe et sa copine Lou qui le disent : « Ils vont couper des buissons et des arbres pour laisser la place pour les moutons. C’est bien que les moutons mangent l’herbe. » Il s’agit donc de rouvrir des passages –aujourd’hui refermés- pour les ovins, afin de favoriser leur circulation. En effet, selon une pratique ancestrale, dès le début du printemps, 600 à 1000 brebis venues de la Crau investissent le massif du Luberon durant plusieurs semaines, avant d’aller dans les Alpes pour l’été.
Au service de la biodiversité
Une activité de pâturage qui entretient très utilement des pelouses d’une grande importance écologique. Elles sont d’ailleurs reconnues d’intérêt communautaire par la Directive Européenne « Habitats naturels faune-flore ».
Alors les élagueurs devront être précis. Gare à la Gagée du Luberon, plante protégée. Et s’il faut aménager la circulation des troupeaux, il est nécessaire de conserver les beaux arbres et buissons afin d’abriter la faune. Sans oublier les grands rapaces, qui trouveront mieux leurs proies dans un grand espace.
Sensibilisation et pédagogie
Pour les élèves, en plus d’une belle randonnée, cette journée est l’occasion de prendre conscience que ce territoire d’exception est le leur. « Ils ont une sensibilité naturelle à l’environnement et de bonnes intentions. Notre rôle est de les aider à mettre les choses en perspective, à travers des actions globales », souligne Sandie Vilane, professeur des écoles en CE1/CE2.
C’est pourquoi les enfants reviendront lorsque le troupeau sera là. Ils réaliseront un véritable travail de reporters pour retracer toute l’histoire. Une manière de les sensibiliser à leur environnement proche et à sa protection.
Pour aller plus loin
-C’est le Parc Naturel régional du Luberon qui conduit le chantier, en partenariat avec le Centre d’Etudes et de Réalisations Pastorales Alpes-Méditerranée (CERPAM) et l’Office National des Forêts (ONF) dans le cadre du Plan Natura 2000 pour la conservation de la biodiversité.
-En plus des travaux de débroussaillement, le Parc a fait réaménager la bergerie pour l’accueil du berger. Et une autre bergerie, également restaurée à Robion.
-Les travaux sont prévus sur 3 ans sur les communes de Robion et des Taillades. Au total, 33 ha seront traités, une dizaine chaque année. L’an prochain, ce sont des élèves de Robion qui iront découvrir les lieux et leur aménagement.
-Sur l’ensemble du Massif du Luberon, 12 éleveurs se sont engagés, à travers des contrats MAEC (Mesures Agri-Environnementales Climatiques). Ce qui représente l’entretien de 440 ha de pelouses.
-Le changement climatique dans le Luberon.
Le programme Alpages Sentinelles étudie l’impact du changement climatique. S’ils ne disposent pas encore de toutes les conclusions, les agents du Parc ont remarqué une « banalisation » du milieu. Autrement dit, que les plantes rares adaptées au climat Alpes/Méditerranée disparaissent au profit d’autres adaptées uniquement au climat méditerranéen.