Le grenadier ! Face au changement climatique, il apparait comme une solution pour les viticulteurs et arboriculteurs en recherche de diversification. Reste à la grenade française et régionale « super fruit » et atout santé, à trouver sa place sur un marché concurrentiel.
Démonstration de découpe de grenades en quartier, comme une orange, dégustation de fruits frais et de jus… Les curieux qui avaient répondu à l’invitation du Syndicat France Grenade et des écoles ISARA et ISEMA à Avignon le 28 novembre, n’ont pas été nourris et abreuvés que d’informations !
« La grenade : richesse agricole et atouts santé », tel était l’intitulé de cet « afterwork », destiné au grand public, aux professionnels, enseignants et étudiants. L’occasion pour Bleu Tomate de faire un point sur le développement de cette culture (lire ici notre article d’octobre 2023).
La grenade est une bonne pâte
Connue depuis des milliers d’années notamment en Asie Centrale, comme un symbole de fertilité et de longévité, la grenade arrive en France avec les romains. Installés en Provence dans les jardins, les grenadiers sont aujourd’hui plantés aux fins de récoltes commerciales.
Il y a 10 ans, Jean-Francis Rispoli, viticulteur à la Tour d’Aigues, dans le sud Vaucluse leur a consacré deux hectares, pour remplacer une vigne malade. « La grenade présente un rendement convenable, entre 8 et 12 tonnes à l’hectare, explique le producteur. Elle ne nécessite pas de traitements, et techniquement, ce n’est pas compliqué. Elle ne craint pas le froid hivernal ».
Un des meilleurs antioxydants
Et même si elle peut être sensible à des gelées tardives, la grenade affiche des qualités de championne pour la santé. Solène Populus, nutritionniste et diététicienne ne tarit pas d’éloges sur les bienfaits de ce fruit classé dans le top cinq des meilleurs antioxydants. « Il améliore la peau et permet de lutter contre l’inflammation, l’arthrose, la tension artérielle », précise-t-elle. Bourrée de vitamines, de zinc, de magnésium, de potassium et de fibres et peu calorique, la grenade a tout pour plaire aux consommateurs.
Pour peu que l’information leur parvienne ! D’où la création l’an dernier du Syndicat France Grenade, sous l’impulsion de Bio de Provence. Au sein de cette dernière organisation qui réunit les producteurs bio, Enora Jacob est chargée de mission sur les nouvelles filières. « Aujourd’hui, constate celle qui est aussi animatrice pour le Syndicat, on compte 500 hectares plantés de grenadiers par 200 producteurs. A 60% dans la région, le reste principalement dans la Drôme, le Gard, l’Aude et les Pyrénées Orientales. 80 producteurs font partie du Syndicat ».
Communiquer sur ses bienfaits
L’une de ses missions est la promotion de la grenade française. Car sur le marché, la concurrence est rude, notamment depuis l’ Iran, la Turquie et l’Espagne « Là-bas, ils cultivent sur de grandes exploitations, décrit Jean-Francis Rispoli, Président du Syndicat France Grenade. Ils traitent les sols au glyphosate et les arbres. Ce n’est pas le cas chez nous».
Du Moyen-Orient, arrivent des jus stérilisés à 120°, quand les producteurs locaux se contentent de 65° et ne filtrent pas. Persuadés que ces jus importés n’ont plus de qualités nutritionnelles, les producteurs souhaitent que l’INRAE conduise une étude pour rendre justice aux grenades françaises !
Avec la promotion, c’est l’autre mission du syndicat. Aujourd’hui, recherche, littérature et documentation sont encore rares. Et les producteurs en ont besoin. Par exemple, pour développer des coproduits. Car rien ne se jette dans la grenade.
Filière en chantier
On la mange fraîche ou en gelée, on boit son jus ou son sirop, les chevaux de course se régalent, parait-il des tourteaux fabriqués avec son écorce. Ses pépins donnent de l’huile utilisée en cosmétique. Tisanes, shampoings, compléments alimentaires, crèmes anti-âge… ou encore teintures… Reste évidemment, à organiser collectivement les moyens de transformation et de valorisation.
Bref, c’est toute la filière qui est en chantier. Et la commercialisation n’est pas le moindre. « Aujourd’hui constate Jean-Francis Rispoli, individuellement, on a trop de production pour les magasins locaux, mais pas assez pour la grande distribution, qui exige de la fiabilité sur les volumes. Et nous ne pouvons pas nous aligner sur les prix des pays étrangers ».
Grenade oui, mais française et bio
Alors c’est nous seulement une filière qu’il faut bâtir, mais une filière d’excellence. Déjà la marque France Grenade et d’autres marques locales- permet aux consommateurs de faire la différence et de garantir l’origine du produit. En chantier aussi, la confection de cahiers des charges précis pour les différents produits et coproduits.
Avec le changement climatique, de nombreux viticulteurs sont contraints d’arracher des milliers d’hectares de vigne. Plantés en force dans les années 2019/2020, les grenadiers vont arriver en production. Le challenge pour la profession : passer de quelques centaines de kg à 5 ou 6 tonnes de produits à vendre.
Vieux de 5000 ans, le grenadier en Provence semble avoir un bel avenir devant lui. Conduit en bio, il participe à la biodiversité des parcelles, est économe en eau et adapté au changement climatique. Reste aux consommateurs à passer à l’acte !
ISARA – ISEMA, les écoles engagées
ISARA forme des ingénieurs, elle s’affiche comme « acteur d’excellente dans le domaine de l’Agroécologie et des systèmes alimentaires durables ».
ISEMA forme « des professionnels du commerce engagés pour concilier création de valeur et durabilité dans les secteurs du vivant et de la Naturalité (agri-agro, environnement, phyto-santé, cosmétique) ».
Leur credo ? « Ensemble, faisons avancer la filière agri-agro vers un avenir plus respectueux de l’environnement et des générations futures ».
Ensemble sous l’étiquette AGRIVIA, fortes de 1000 étudiants à Lyon et 200 à Avignon, ainsi que de 160 salariés, les deux écoles proposent également de la formation continue et développent des activités de recherche.