Chercheurs, associatifs et élus locaux veulent tester sur deux filières d’activité un revenu incitant à la bifurcation écologique. Ils se sont réunis jeudi 26 septembre au Tiers Lab de Marseille pour faire le point sur leur projet.
Cibler l’éco-rénovation et l’économie circulaire. Et lancer l’expérimentation d’un revenu de transition écologique (RTE) local dès que possible. Depuis 2019, l’association Zoein, lancée par la philosophe et économiste franco-suisse Sophie Swaton, a initié 7 projets d’expérimentations du RTE en France, dont le dernier en date à Marseille. Mais le RTE, kesako ??
Quatre défis
« Face à l’urgence de la transition écologique, la notion de justice doit être à la base de tout, explique Sophie Swaton. Il faut repenser le travail, lui redonner un sens, une juste valeur qui soit intrinsèque, et pas seulement monétaire. » Mais comment inciter des salariés ou des entreprises à bifurquer vers des actions plus justes pour la planète et pour l’humanité ? Par un revenu de transition écologique. « Nous sommes face à quatre défis essentiels, estime Sébastien Barles, adjoint (EELV) au maire de Marseille à la transition écologique. Il y a un mur d’investissements, pour lequel les fonds publics ne seront pas suffisants et qui suppose de trouver de nouveaux mécanismes. Il y a aussi un problème de ressources humaines avec un manque de personnes formées à ces enjeux. Il y a l’enjeu de l’acceptation sociale, pour pouvoir conjuguer transition et justice sociale. Et puis il y a un problème de foncier. Sur les trois premiers défis, le RTE peut être un outil. »
Un éléphant dans la pièce
Pour avancer sur le sujet, la ville a financé une étude de préfiguration du RTE sur Marseille, confiée au Lica, laboratoire coopératif d’innovation sociale, basé au Tiers Lab. Avec l’appui de la métropole Aix-Marseille et de la région Paca, les chercheurs ont commencé par identifier et cartographier deux filières prioritaires : l’éco-rénovation et l’économie circulaire. Des secteurs clés dans une ville à l’habitat fortement dégradé, et qui reste fortement à la traîne pour la gestion de ses déchets. « Nous avons d’abord rencontré une quinzaine d’acteurs qui nous ont fait remonter leurs problématiques, puis nous avons organisé un grand hackathon [rassemblement en vue de tester des idées ou un prototype] avec une cinquantaine de personnes, détaille Charles Talbot, co-fondateur du Lica. C’est que là que nous avons vu qu’il y avait un éléphant dans la pièce : le risque que la transition écologique puisse avoir un impact négatif sur l’économie du territoire. Nous avons donc pris ce risque en compte. »
70 demandeurs d’emploi
A l’issue de ces réflexions, le Lica a dégagé des pistes à la fois pour la gouvernance et le financement d’un RTE marseillais. L’arbitrage entre les différentes priorités pourrait être confié aux assemblées citoyennes qui existent à la ville et à la métropole. Et les fonds abondés par des subventions publiques et des fonds privés via les comptes de formation professionnelle, ou directement par les entreprises. Un premier test pourrait avoir lieu avec l’accompagnement sur un an de plus de 70 demandeurs d’emploi vers des métiers de l’éco-rénovation. Avec déjà un enjeu crucial : l’évaluation de l’impact du RTE. « On ne peut pas seulement être sur la tonne de CO2 évitée, tranche Jean-Christophe Lipovac, directeur de Zoein. Il faut construire d’autres référentiels ». « Chaque territoire doit pouvoir le faire à sa façon », estime Sophie Swaton. Une expérimentation « décentralisée » qui avait déjà été tentée pour les territoires zéro chômeur, en Paca, déjà !