Loin de la vitrine nationale qu’est le Salon de l’agriculture à Paris, des dizaines de « contre-salons » ont lieu au cœur des fermes partout en France. Les acteurs du monde paysan s’y rencontrent pour partager et débattre. A Gordes (84), Bleu Tomate a suivi le Salon à la Ferme des Vaches du Luberon.
Elles arborent une belle robe grise et des cornes magnifiques, comme on n’en voit plus guère dans les troupeaux. Les vaches d’Allan Sorriaux sont des Gasconnes des Pyrénées. Rustiques, douées d’une grande capacité d’adaptation, elles se sont fait leur place dans la plaine de Gordes. Nous sommes au pied des Monts de Vaucluse, en plein Parc naturel régional du Luberon.
Début mars, elles seront dehors et reprendront leurs balades sur les terres du village et aussi à Goult et Roussillon, les communes voisines. « Dans un rayon de 5 à 6 km, on fait tout à pied. Les ruminants, ça mange de l’herbe, pas des céréales », explique Allan Sorriaux, l’éleveur « grandi au cul des vaches dans les Alpes », comme il se présente lui-même. De juin à novembre, le troupeau -de plus de 70 têtes- transhume dans les Alpes de Haute Provence.
Énergie et protéines
Un système 100% herbager, donc. Sur 110 hectares, 60 fournissent du fourrage, le reste accueille le parcours des animaux. « Je suis très vigilant à équilibrer l’apport entre énergie et protéines » précise Allan à la vingtaine de personnes en visite pour ce Salon à la Ferme. Sainfoin, trèfle, graminées coupés à un moment bien précis font le régal des Gasconnes. Le jeune éleveur est en deuxième année de conversion bio. Il valorise toute sa viande en direct, auprès de particuliers, de restaurateurs et aussi de bouchers.
Allan Sorriaux, passionné, consacre tout son temps à ses bêtes. Et la Ferme des Vaches du Luberon tourne bien. Lui qui s’est lancé avec 5 vaches et une petite caravane il y a sept ans peut se permettre aujourd’hui d’investir un peu chaque année. Le principal problème pour lui, avec le changement climatique, est celui de l’accès au foncier, rendu impossible par la hauteur des prix.
Quelle autonomie alimentaire ?
Une préoccupation partagée par l’ensemble des visiteurs du jour. Ils sont apiculteurs, éleveurs de brebis, de chèvres ou de volaille, maraîchers ou encore simples particuliers intéressés par le débat. Ils sont venus échanger sur le thème de l’autonomie alimentaire des troupeaux. A l’initiative du Salon à la Ferme, la Confédération paysanne, l’Adear (Association pour le développement de l’emploi agricole et rural) et l’association des Ami.es de la Confédération paysanne.
La plupart des participants sont confrontés à la question du prix de foncier. Samantha, éleveuse de poules à Cabrières d’Avignon, commune voisine, doit acheter leur nourriture bien loin d’ici. Elle souhaiterait pouvoir la produire, si elle avait des terres. Tous s’accordent à réclamer que l’accès au foncier leur soit facilité. Et dénoncent le fait qu’il serve plutôt à des placements purement financiers comme c’est souvent le cas dans la région.
Les discours sont à la relocalisation de l’agriculture. Mais les troupeaux vont-ils trouver assez de terre à pâturer, et de fourrage ? Parmi les solutions, une idée est unanimement reprise : la solidarité. Un peu disparue dans le monde rural -se désolent les participants-, elle pourrait bien faciliter les choses. Tel agriculteur pourrait se diversifier en semant des légumineuses, fournir localement du fourrage, donc organiser des rotations de culture. Des systèmes qui nécessitent qu’éleveurs et agriculteurs se rencontrent et s’organisent, encore plus et mieux qu’aujourd’hui.