Sous la houlette du Parc naturel régional du Ventoux, les acteurs de l’agriculture et de l’action sociale se mobilisent pour permettre l’accès des plus précaires à une alimentaire saine et de qualité. Objectif : « Mieux manger pour tous ».
Le lycée agricole Campus Provence Ventoux de Carpentras accueillait le 8 février les participants à l’événement : le lancement du projet « Chausires » en provençal. En français « vous choisirez » … de manger des produits locaux et sains ! Un plan, lauréat de l’appel à projet lancé par la DREETS*. Il se déroulera sur trois ans et reçoit un financement de 120 000€.
Chausires prend place dans le Projet alimentaire territorial (PAT) du Ventoux, porté par le Parc. Il en sera même un pilier, en faveur de la relocalisation de l’alimentation. « Il faut replacer le mangeur au centre de la problématique, explique Aurore Navarro, chargée de mission pour le PAT au PNR Ventoux. Pour qu’il puisse choisir, il faut que les produits de qualité soient accessibles ».
Construire avec les consommateurs
Aujourd’hui, les obstacles sont nombreux, manque d’argent, de mobilité ou simplement d’information. L’originalité du projet Chausires, c’est de bâtir une filière accessible avec les personnes concernées elles-mêmes. Et elles sont plusieurs dizaines à participer à la journée de lancement à Carpentras.
A leurs côtés, des associations engagées sur la question alimentaire, des épiceries sociales et solidaires, des collectivités, des centres sociaux, des professionnels, jardiniers ou nutritionnistes, des agriculteurs et des chercheurs, ainsi que le lycée agricole lui-même. Professeurs, administration et bien sûr élèves, tous engagés.
Filière bio et solidaire
Première étape du projet, la réalisation d’un diagnostic territorial sur la précarité alimentaire. Ce sont les élèves de BTS-DATR (développement et animation des territoires ruraux) qui s’en chargeront. A leurs côtés, des chercheurs du Laboratoire de Psychologie Sociale d’Aix-en-Provence.
Ce que l’on sait déjà, c’est que le Vaucluse est le 7e département le plus pauvre de France et que Carpentras abrite le 2e « quartier prioritaire de la ville », selon l’Observatoire des inégalités (chiffres nationaux, décembre 2022).
Une fois le diagnostic territorial établi, viendra l’heure de structurer une filière bio et solidaire, du producteur jusqu’au consommateur, en produits bruts, transformés et cuisinés. Quelles seront les actions engagées ? C’est tout l’enjeu du travail collectif lancé dans le cadre de Chausires, avec cette première journée.
Boulangerie mobile
Et pour commencer, ateliers participatifs pour tout le monde ! Objectif, mieux se connaître, recueillir les envies et les besoins des autres, connaître leurs contraintes aussi… Les acteurs présents à la journée sont enthousiastes.
« Nous devons repérer les besoins de chacun, des plus jeunes aux seniors, affirme Aurore Navarro. Et fédérer les très nombreuses initiatives qui existent déjà sur le terrain ».
Aujourd’hui en effet les différents acteurs proposent des ateliers cuisine, l’éducation à l’alimentation durable, le projet d’une cuisine participative, le développement de jardins potagers ou encore des visites de fermes, la cueillette chez le producteur ou une boulangerie mobile…
Chaurises a l’ambition d’accélérer les actions, de les rendre plus massives par la mutualisation des acteurs et des solutions. Le droit pour toutes et tous à une alimentation suffisante et de qualité est défini par l’ONU et la FAO. Sur le territoire du Ventoux, les acteurs veulent en faire une réalité, assortie du choix pour chacun de son alimentation. Chausires !
*DREETS : Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités.
Campus Provence Ventoux :
un lycée engagé contre la précarité alimentaire
Une dizaine d’élèves de BTS-DATR (développement et animation des territoires ruraux) ont déjà commencé à s’impliquer dans le projet Chausires.
« On apprend à faire une enquête, on échange avec les personnes, on acquiert des compétences », se réjouit Charlotte. « On a élaboré un questionnaire adapté à chaque structure [ndlr : centres sociaux, associations, épiceries solidaires], précise Mathéo. Et ensuite on va traiter les données ».
Des étudiants impliqués…
Manière aussi pour ces étudiants de se confronter à la question de la précarité alimentaire et plus largement de la relation agriculture-alimentation-santé-territoire. Tous deux se disent préoccupés par le changement climatique. Charlotte va devenir végétarienne et s’implique dans un tiers-lieu à Orgon, « La belle terre », qui propose un jardin collectif et pédagogique.
« Notre lycée reçoit près d’un millier d’élèves, en formation initiale, pour adultes ou par l’apprentissage, détaille Alain Nicolas, professeur d’économie. Nous sommes orientés vers les circuits courts, avec notre ferme, notre production locale et notre boutique ouverte aux producteurs locaux. Nous avons une mission d’animation du territoire, alors c’est tout naturellement que nous nous inscrivons dans le projet Chausires ».
… et les professeurs aussi
Pour ce travail d’enquête et ensuite d’ateliers, plusieurs enseignants font travailler les élèves de façon transversale, de l’histoire-géographie à l’économie en passant par les math et l’informatique. « Les questionnaires élaborés abordent aussi bien la question des circuits courts que le gaspillage alimentaire, l’énergie, la mobilité ou les questions de contraintes matérielles et économiques » décrit Fabienne Bricon, professeur d’éducation socio-culturelle.
Seul regret pour les étudiants, ne pas accompagner le projet à son terme, puisqu’il s’étalera sur 3 ans.
Des acteurs de l’action sociale enthousiastes
Centres sociaux, associations ou épiceries solidaires, ils agissent déjà mais veulent faire bien mieux ensemble.
Denis Savanne est le président du Centre social et citoyen Lou Tricadou à Carpentras, qui gère 3 centres sociaux et touche 8000 habitants. « Dans les quartiers prioritaires de la ville, le public est en situation de précarité alimentaire. Or, l’alimentation est un formidable outil d’animation », constate-t-il. L’association travaille déjà sur la question. Repas festifs, ateliers de diététique en lien avec la santé, jardin propice à la rencontre et à l’organisation de fêtes, mais elle souhaite passer à la vitesse supérieure.
De Carpentras à Vaison-la-Romaine
« Une rencontre comme aujourd’hui avec le lancement du projet Chausires, explique Denis Savanne, c’est l’occasion de rencontrer de nombreux acteurs de l’alimentation saine et anti-gaspillage ». Et de partager information, expériences et pistes de projets communs, au service des habitants.
Venus de Vaison-la-Romaine, des membres de l’association Ecorev. L’épicerie sociale et solidaire dessert avec un petit camion pas moins de 7 communes et fournit des produits alimentaires recueillis auprès d’Anatoth ou de la Banque alimentaire. Chausires leur permettra de rencontrer des maraîchers pour récupérer des fruits et légumes. Parmi les projets, la mise en place d’ateliers culinaires.
Ensemble on est plus forts
Autre structure vaisonnaise, l’Espace de Vie Sociale (EVS), porté par l’ACAF-MAS (l’Association des Centres d’Accueil et de la Formation de la Mutualité Sociale Agricole). Objectif, créer du lien social. La question de l’alimentation, en lien avec la santé, revient souvent dans les préoccupations. Alors l’ESV développe « le jardin des partages », organise des repas, des ateliers mais beaucoup reste à faire.
Venue avec une vingtaine d’habitants qui participent aux activités de l’espace, Am’Barka Elmainy, sa responsable, se réjouit de participer au projet Chausires. « Nous sommes venus pour que l’avis des personnes soit pris en compte. Sinon comment les ramener vers une alimentation saine et variée, dont ils sont éloignés, notamment pour des raisons économiques ? »
Am’Barka espère grâce à Chausires mutualiser les moyens et les subventions. « S’inscrire dans un projet global avec plusieurs partenaires, c’est une force ! »