Chauffer une serre coûte cher, et produit des Gaz à effet de serre. Alors le GERES, ONG née à Marseille, propose aux utilisateurs de s’équiper en bioclimatique. Une innovation peu coûteuse, qui facilite le travail et réduit l’impact sur le changement climatique. Visite d’une serre bioclimatique à Aubagne.
Marie Moyet accueille simplement les visiteurs (ils et elles sont agriculteurs, associatifs, et encore conseillers agricoles ou membres de la DREAL ou de l’ADEME). Puis elle accompagne le groupe dans la serre multi-chapelle. Elle y produit des plants potagers et aromatiques destinés à des professionnels. Après un premier essai sous un tunnel, elle en est à sa deuxième serre bioclimatique.
« A mon installation, il y a 10 ans, j’avais fait le choix de ne pas chauffer la serre, c’était trop onéreux, explique la jeune pépiniériste. J’ai répondu au 1er appel à projet du GERES, en 2016. J’ai récupéré des bidons dans une miellerie de Valensole et installé un voile thermique, c’est la plus grosse dépense. Mais j’ai reçu une aide financière de 1000€ qui a couvert l’essentiel du coût de l’équipement ».
Capter, stocker, restituer
Un équipement simple bien qu’innovant. Chez Marie, des bidons sur deux étages, remplis d’eau une fois pour toutes. Au mur, un tissu gris entre plastique et armature de la serre, au sol, des palettes. Au plafond, au-dessus des plants, le voile qui peut descendre jusqu’au sol l’hiver, afin d’isoler au mieux la serre bioclimatique. Elle est installée sur 90 m2 dans le coin Nord-Ouest de la serre chapelle. Celle-ci couvre 700 m2 de surface.
Candice et Jérôme Comet sont venus de Cabasse, dans le Var et suivent la visite avec grand intérêt. Pépiniéristes pour maraîchers et particuliers, ils ont des tunnels simples et une serre chapelle en construction « Aujourd’hui, nous chauffons au bois, mais nous cherchons un autre mode de chauffage. Le bois c’est contraignant, l’hiver il faut se lever la nuit toutes les deux heures ! Et c’est beaucoup de manutention » précise Jérôme. Alors le couple a répondu au nouvel Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) lancé par le GERES.
Contraintes et avantages
« La principale contrainte, c’est d’ouvrir et fermer le voile, le matin et le soir. Bon, en pépinière, on a l’habitude de travailler, témoigne Marie Moyet, avec un clin d’œil. Mais j’ai gagné en tranquillité. Je sais que mes plants sont hors gel tout l’hiver. Maintenant, je peux mettre des plants précoces, je gagne jusqu’à 6 jours, si je les mets dans cette zone. Et l’été, elle est plus tempérée, le voile protège du soleil. En cas de pics de chaleur, j’ai moins de pertes ».
Pas de miracle, dans une serre bioclimatique, mais la simple application de lois physiques. La chaleur du soleil captée dans la journée s’accumule dans les bidons qui la restituent la nuit. L’ensemble est bien sûr isolé pour éviter les pertes thermiques. « L’eau est la meilleure masse thermique, explique Catherine Mazollier pour le Groupe de Recherche en Agriculture Biologique (GRAB). Dans certaines serres bioclimatiques, on gagne jusqu’à 6° entre l’intérieur et l’extérieur, par rapport à une serre classique ».
Les serres bioclimatiques font leur chemin
Le GERES a déjà aidé à l’installation de 12 serres bioclimatiques dans la région, et accompagné 23 projets. Plusieurs modèles existent, et chaque projet est développé au plus près des contraintes –techniques, climatiques et financières- des producteurs.
Parmi les avantages constatés, la réduction de 80% de la consommation de fioul (et la production de GES), au Campus Provence-Ventoux et pour tous les producteurs, une amélioration du chiffre d’affaires (doublé pour certains) ainsi qu’un plus grand confort de travail et de vie.
Le mois dernier, le GERES a lancé un nouvel AMI à l’intention des 5 pépiniéristes ainsi que de 3 collectivités. Soit pour leurs propres serres, qui alimentent leurs espaces verts. Soit pour soutenir leurs agriculteurs, quand elles les accompagnent dans le cadre d’un Projet Alimentaire Territorial.
Un soutien sans faille
Ce nouvel appel à projet concerne la région SUD-PACA mais aussi les départements limitrophes. L’AMI sera clos le 15 décembre, et les candidats peuvent encore se manifester en cliquant sur ce lien ou en allant sur le site du GERES. Les lauréats se verront accompagnés par des experts depuis la conception jusqu’à la mise en œuvre et au fonctionnement de leurs serres climatiques.
De nouvelles innovations laissent espérer un plus grand développement encore. En effet, le Bureau d’Etudes Agrithermic qui développe les serres bioclimatiques a mis au point un tout nouveau procédé. Il s’agit de gaines posées sur le sol. Ce système dit Thermitube permet de viser les serres de production, de plus grande surface, comme celles de tomates.
Et encore des innovations
Accompagné par Bio de Provence et l’ADEME, le projet de serres bioclimatiques du GERES et de ses partenaires le GRAB et Agrithermic vise donc à proposer des serres moins gourmandes en énergie et adaptables à chaque territoire. Face au changement climatique, elles apportent aux producteurs locaux plus de sécurité.
A Aubagne, la jeune pépiniériste Marie Moyet projette d’équiper bientôt une autre partie de sa serre avec des fûts emplis d’eau.
Le GERES
Le Groupement pour l’Exploitation Rationnelle de l’Energie Solaire a vu le jour à Marseille en 1976. Cette ONG de développement international défend partout la solidarité climatique. Elle prône des solutions innovantes et de proximité. Le GERES a installé ses premières serres bioclimatiques en Mongolie. Pour adapter ces équipements à la Provence, il s’est rapproché du GRAB.
L’association accompagne également les collectivités locales engagées dans une politique climat-énergie. Son credo : valoriser les ressources locales et promouvoir une consommation responsable de l’énergie.