Ce fruit à coque consommé en snacking, confiserie et pâtisserie avait disparu de Provence. Des professionnels ont décidé de relancer sa culture, convaincus qu’une place est à prendre sur le marché Premium. Les premières récoltes auront lieu en septembre. Décryptage d’une reconquête.
Pistachier : « Arbre résineux des régions chaudes dont le fruit contient la pistache ». Telle est la définition du Petit Robert. Région chaude… Pourquoi n’y en a-t-il pas en Provence, alors ? « Il y en a eu ! On retrouve des traces de pistachiers au début du 20ème s. D’ailleurs, on utilisait à l’époque le mot Pistachié pour parler d’un homme qui courait après les femmes. Parce que l’arbuste mâle a la capacité de féconder plusieurs arbustes femelles ! », sourit Benoît Dufaÿ, coordinateur du syndicat France Pistache, rencontré au Salon des Agricultures de Provence, début juin à Salon de Provence.
Baussan, Pinatel, Joseph, un trio à la relance
Plaisanterie mise à part, un groupe de professionnels a décidé de relancer la culture de la pistache en Provence, tombée en désuétude depuis longtemps. A leur tête, Olivier Baussan, président de la Confiserie du Roy René et de Maison Brémond 1830. A ses côtés, André Pinatel, président du syndicat de l’amande en Provence et ex homme fort de la chambre Régionale d’Agriculture PACA. Ainsi que Jean-Louis Joseph, président honoraire du PNR du Luberon. Un trio complété par près de 70 actifs du secteur agricole, tous intéressés par la reconquête de cette culture. Ils sont réunis depuis 2018 dans l’association Pistache en Provence.
Demande des confiseurs et adaptation au climat
Mais pourquoi, au fait ? « C’est la rencontre entre une demande de la part des confiseurs locaux et le constat que cette plante peut s’adapter en Provence dans un contexte de réchauffement climatique et de diversification nécessaire des cultures », synthétise Benoît Dufaÿ. La pistache est rustique. Elle supporte les fortes chaleurs, ne craint pas le froid l’hiver et est relativement à l’abri en cas de gelées printanières.
USA, Turquie, Iran… leaders mondiaux
Surtout, les professionnels de la confiserie provençale doivent aujourd’hui l’importer en masse. De Turquie, d’Iran, des Etats-Unis, d’Espagne, de Grèce, d’Italie… les leaders mondiaux de la production. Soit environ 10 000 t par an. Alors pourquoi pas demain une pistache made in France ?
Niche très qualitative
« Il faut six ans pour qu’un pistachier produise. Les premières récoltes auront lieu cette année en septembre, principalement dans le Vaucluse. On prévoit une centaine de kg », dit Benoît Dufaÿ. Une goutte d’eau dans un océan de fruits à coques qui prouve, au passage, que l’ambition n’est pas de concurrencer les pays « à volume » mais plutôt de viser une niche très qualitative. Celle des pâtissiers et des confiseurs haut de gamme, des nougatiers et des glaciers. Impossible de lutter contre les centaines de milliers de tonnes venus des USA, qui inondent le marché mainstream du snacking.
Syndicat France Pistache depuis 2021
Pour ce faire, un syndicat de producteurs, France Pistache, a été lancé en 2021. Son rôle, technique, est centré autour de la sélection des plants, de l’organisation d’ateliers et de la structuration de la filière, comme par exemple la mise en place de casseries. De son côté, Pistache en Provence a plutôt un rôle de promotion et de communication. « La plupart des adhérents sont provençaux mais nous avons aussi des demandes d’agriculteurs des Pyrénées-Orientales et de Corse ». Eux aussi sont confrontés au changement climatique et à la nécessité de faire évoluer leurs cultures…
Un IGP d’ici quelques années ?
Pour avancer, les deux structures viennent de lancer cette année une démarche SIQO (Signes d’Identification de la Qualité et de l’Origine). Le but : « protéger la pistache française et bénéficier du transfert d’expertise des autres filières », soutient Benoît Dufaÿ. Viendra ensuite le temps de s’interroger sur l’appellation à demander – sans doute une IGP -, avant de décliner cette dernière par bassin de production, Provence, Corse, Occitanie… « La route (de la pistache) est droite mais la pente est forte », aurait résumé l’ex premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Demain, nos enfants achèteront peut-être de la crème de pistache « made in Provence » comme on achète aujourd’hui de la tapenade locale…