Coïncidence ou pas ? Deux événements à noter ces derniers jours. Le vote à l’Assemblée nationale de la loi Potier, « contre l’accaparement du foncier agricole », et un sondage où 90% des citoyens plébiscitent les petites fermes. Quel rapport ? Explications…
2016 : un consortium chinois achète 1500 ha de terres agricoles dans l’Indre. Au nez et à la barbe de la SAFER (Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural), censée exercer un droit de préemption.
Face à une réglementation visiblement imparfaite, le député PS de la Meurthe-et-Moselle Dominique Potier vient de faire voter en 1ère lecture à l’Assemblée nationale une loi dite « contre l’accaparement du foncier agricole ». Lequel, selon le député, « constitue une menace pour les exploitations familiales et l’installation des jeunes agriculteurs en renchérissant le prix de la terre et en limitant le foncier disponible à l’achat. »
Cette loi impose davantage de transparence. En effet, elle donne la possibilité à la SAFER non seulement d’être informée mais aussi d’exercer son droit de préemption en cas de transfert de parts sociales même partiel. Jusqu’ici, ce n’était possible que si 100% des parts étaient cédées.
Une loi bien accueillie
Le Ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll s’est réjoui d’une loi qui « renforce la maîtrise du foncier agricole ». De leur côté, les Jeunes Agriculteurs apprécient un vote « salutaire ».
Quant à Terre de Liens, qui œuvre à la préservation des terres agricoles, elle se félicite de l’adoption de la loi Potier. Dans un communiqué, l’association dénonce des montages financiers qui « sont le reflet d’une financiarisation de l’agriculture dangereuse pour le renouvellement des générations agricoles et le développement d’une agriculture respectueuse de l’Homme et de l’environnement. »
… mais suffisante ?
Restent deux écueils :
Tout d’abord, la loi doit passer devant le Sénat, et cela avant la fin de la session parlementaire, fixée au 25 février prochain. Les sénateurs vont devoir changer de train pour y parvenir !
Ensuite, la loi sera sans doute insuffisante car elle recherche un équilibre entre d’une part droit de propriété et liberté de s’associer, et d’autre part l’intérêt des citoyens. C’est donc une grande loi foncière qui semble nécessaire, selon le député Dominique Potier lui-même. Interrogé par le site campagnesetenvironnement.fr, l’élu insiste sur le volet environnemental. « Un agrandissement des parcelles cultivées provoque un appauvrissement de la biodiversité. On sait aussi que les champs et les forêts captent le carbone, ce qui permet de lutter contre le réchauffement climatique. Il faut donc être vigilant sur l’usage des terres. Et éviter que l’enrichissement de quelques-uns pénalise une population. »
Conclusion : la loi Potier affiche la volonté de préserver le modèle agricole familial français. Et il y a urgence. En 20 ans, les parts de marché des sociétés dans les terres agricoles ont été multipliées par 4 (en nombre) et par 2 et demi (en surface et en valeur).
Vive les petites fermes !
Au moment même où la loi Potier est adoptée à l’Assemblée Nationale, un sondage commandé par le syndicat agricole, la Confédération Paysanne montre que les citoyens plébiscitent les petites fermes. Le résultat est publié par l’hebdomadaire Politis.
Plus de 90% des sondés considèrent que le maintien et le développement des petites fermes sont nécessaires pour l’avenir de notre agriculture et nos territoires. A près de 65%, ils les trouvent adaptées à la production d’une alimentation de qualité, à la création d’emplois et à la préservation de l’environnement. Enfin à près de 90%, les sondés sont favorables à ce qu’un soutien spécifique soit accordé aux petites fermes en matière fiscale, de subventions et de normes règlementaires.
Conclusion : réglementer l’achat de terres agricoles par des sociétés (françaises ou étrangères), alors que l’opinion publique affirme son attachement au modèle agricole familial… 2 phénomènes encourageants pour l’emploi et les paysages ruraux ainsi que la protection de la biodiversité.
Pour aller plus loin
- C’est quoi une petite ferme ?
Elles sont réparties sur tout le territoire, et représentent 1/3 des exploitations (130 000 environ). Leur surface ? Moins de 30 ha avec un emploi, et jusqu’à 60 ha pour 4 ou plus. Elles affichent d’ailleurs un nombre d’emplois élevé par rapport à leur surface (4 fois plus à l’hectare que les autres). Mais elles reçoivent moins d’aides. Pour la Confédération Paysanne, les petites fermes jouent un rôle crucial dans l’attractivité des paysages et territoires ruraux. Elles maintiennent la biodiversité, sont plus réactives aux changements et sont plus facilement transmissibles.
En PACA, on compte 7272 petites sur 17 252 exploitations, soit 42.2 %. La Provence est la 3ème région pour le nombre de petites fermes derrière l’Alsace et Languedoc Roussillon. (chiffres de la Confédération Paysanne sur les petites fermes
- Revoilà le biocontrôle
La loi Potier adopté le 19 janvier comporte un deuxième volet, sur le biocontrôle. Autrement dit, le recours à des produits alternatifs aux pesticides).
Les CEPP (Certificats d’Economie de Produits Phytopharmaceutiques) étaient prévus dans la Loi d’Avenir pour l’Agriculture de 2014. Mais le Conseil d’Etat les avait retoqués pour des raisons de procédures.
Les voilà de retour dans la loi Potier. Le texte oblige les fournisseurs à réduire la part des phyto sous peine de pénalités. Une expérimentation est prévue jusqu’au 31 décembre 2022.L’objectif est une baisse de 20% dans les 5 ans.