Le centre de recherches avait donné rendez-vous aux amoureux de la Camargue le 5 février. Une journée « portes ouvertes » proposée dans le cadre de la Journée Mondiale des Zones Humides*, l’occasion rare de pénétrer ce lieu emblématique. Nous y avons rencontré et interrogé des visiteurs.
Il y en avait pour tous les goûts. Tout d’abord la visite guidée du domaine avec Hugo. Mais aussi un escape-game pour les familles, une animation culinaire avec le Conservatoire Grand Sud des Cuisines, une dégustation de vins, des conférences sur la restauration des marais ou l’aigle de Bonelli, une exposition photos et la visite guidée des bâtiments** dont certains datent du XIXe s.
Rester curieux !
Nous y avons croisé les membres d’une association de la banlieue de Montpellier, « Connaissances et Partages ». Ce sont les naturalistes du groupe qui ont organisé la sortie. Ils ont donc emprunté les sentiers balisés par la Tour du Valat, d’une distance de 3,5 km et 7 km. Chacun mène à un observatoire et permet de traverser un des paysages emblématique de la Camargue, entre sansouire et tamaris. « Nous ce que nous aimons, c’est partager nos passions… Aujourd’hui, avec nos experts, nous sommes allés sur les observatoires du domaine. Nous avons tous constaté que le terrain est bien sec pour un mois de février…Vous avez vu les empreintes profondes des taureaux et chevaux ??? Difficile même de marcher correctement…». Sur les chemins, à distance régulière, des agents de la Tour du Valat guident les promeneurs et les remettent éventuellement sur le droit chemin. Pas question d’aller fureter hors des sentiers, nous sommes dans un espace naturel protégé.
Flamants et oies cendrées résistent au mistral furieux
A l’observatoire du Saint-Seren, bien à l’abri du mistral déchainé ce jour-là, les nombreux visiteurs profitent d’une magnifique vue sur la Baïsse de Saint-Seren. Le marais est bien agité, mais on peut apercevoir non loin de là les oies cendrée installées sur un petit ilot. Une colonie de flamants roses reste à l’abri dans les roselières. Lunettes et jumelles sont mises à disposition par le Centre. Un peu frustrant de ne pas pouvoir mieux les contempler. Un naturaliste croisé sur le chemin nous fait ses commentaires : « Ce n’est pas le bon jour pour observer, le vent est trop violent ! Mais nous sommes parvenus à apercevoir des nettes rousses malgré tout ! » Mais nous, nous ne les verrons pas...
Le Vaccarès, zone de transit pour l’anguille européenne
Mais la Camargue n’abrite pas que des oiseaux. C’est ce que l’on découvre grâce à Chloé et Margot, en service civique à la Tour du Valat. Elles animent l’atelier poissons. Où l’on découvre que l’Etang du Vaccarès héberge des anguilles et que le centre mène sur le sujet un programme depuis 1993. Cette espèce est particulièrement suivie sur une portion du principal canal de drainage qui traverse la réserve régionale. Chloé, en master d’éco-toxicologie et de chimie de l’environnement, nous raconte avoir croisé tout au long de la journée des personnes très concernées par l’environnement. «En fait, les visiteurs découvrent que la Camargue est une zone importante pour les anguilles ! Notre atelier leur permet de mieux comprendre les différents usages en zone humide, comme les difficultés rencontrées à les mettre en cohérence ».
Un milieu à forte valeur biologique et économique
Des courageux, en famille ou en groupes, ont choisi quant à eux de réaliser le parcours d’orientation. Ils sont à la recherche des balises. Elles sont destinées à mieux faire comprendre l’écosystème de la zone humide, avec sa faune et sa flore spécifiques. « Pas simples à trouver, les réponses !!! » reconnaissent deux couples en pleine réflexion, penchés sur la fiche accrochée à un buisson. Jean Jalbert, directeur du centre, explique ce que sont les zones humides. De véritables éponges ! Elles assurent un rôle de régulation hydrologique. Elles retiennent l’eau quand elle est en trop grande quantité, et la restituent en période de sécheresse. 50% des zones humides françaises ont disparu entre 1960 et 1990, leur réhabilitation est donc une nécessité absolue. Tout l’enjeu de ce type de journée et d’aider le grand public à en prendre conscience.
Un public de fidèles
A côté d’un des food-trucks installés à l’occasion de la journée, nous rencontrons Daniel. Membre de la Société Nationale de la Protection de la Nature (SNPN) il nous confirme venir ici tous les ans. « Chaque année, on emmène avec nous des amis qui ne connaissent pas ce lieu. Et c’est chaque fois un vrai plaisir, pour nous comme pour eux ! On assiste aux conférences, et je vous assure qu’elles sont de haut niveau. » Venant de Fourques dans le Gard, de l’autre côté du Rhône, il nous précise avec un clin d’œil : « c’est là que se situe la naissance du delta de la Camargue, à la bifurcation du Grand Rhône et du Petit Rhône !! ».
Près de 700 personnes se sont succédées tout au long de la journée. Elles ont même pu, sur l’un des stands d’information installés sous les platanes, choisir d’adopter un flamant… Jolie manière de terminer la journée, non ???
* Cette journée célèbre chaque année l’anniversaire de la signature de la convention RAMSAR pour la protection des zones humides. Luc Hoffmann, fondateur de la Tour du Valat en 1954, en fut l’un des principaux instigateurs.
** Les bâtiments ont fait l’objet d’une réhabilitation énergétique complète. Elle permet aujourd’hui à la Tour du Valat d’afficher une consommation énergétique divisée par deux, suite aux travaux d’isolation (paille de riz et ouate de cellulose) et au remplacement d’une partie des huisseries. Quant aux émissions de CO2, elles ont été divisées par six grâce au mode de chauffage au bois – produit en partie sur la Tour du Valat – et à l’installation d’une chaudière biomasse polycombustible. Elle remplace cinq chaudières fioul/gaz.
La Tour du Valat, reconnue d’utilité publique
Située au cœur de la Camargue, c’est un institut privé de recherche sous statut de fondation à but non lucratif, reconnue d’utilité publique. Elle développe depuis plusieurs décennies des programmes de recherche et de gestion intégrée. Son domaine, qui englobe tous les habitats naturels représentatifs de la Camargue fluvio-lacustre, s’étend sur 2 649 hectares dont 1 845 classés en Réserve naturelle régionale.
Au-delà de son rôle de conservation de la biodiversité, c’est un site privilégié pour mener des recherches, tester et développer des activités agricoles ou cynégétiques compatibles avec le maintien d’une biodiversité exceptionnelle. Son équipe scientifique, riche d’une quarantaine de spécialistes, développe des programmes de recherche sur le fonctionnement des zones humides et teste des modes de gestion adaptés aux enjeux et particularités des zones humides méditerranéennes.
C’est aussi un centre de ressources documentaires unique en Méditerranée, spécialisé en écologie des zones humides. Chaque année, de nombreux chercheurs, enseignants et stagiaires du bassin méditerranéen viennent consulter les ouvrages et ressources scientifiques de la bibliothèque. La Tour du Valat emploie plus de quatre-vingt salariés qui interviennent dans toute la Méditerranée. (Source : tourduvalat.org)