Pour qui se penche sur ce secteur dans notre région, la 1ère caractéristique qui saute aux yeux est sa diversité. Elle-même est bien sûr directement liée à celle d’un territoire aux multiples paysages, de la mer à la montagne. Aussi, certains préfèrent parler DES agricultures durables. Explications.
Diverse par ses produits et par ses pratiques, l’agriculture en PACA doit composer avec une forte démographie et de multiples conflits d’usage de la terre et de l’eau (en particulier sur la Côte). Confrontée à une perte de surface, d’exploitations et de revenus, elle présente malgré tout un grand nombre de fermes engagées dans les circuits courts.
Se soucier du monde
Mais l’agriculture durable dans tout ça ? Liée au concept de développement durable, elle repose comme lui sur 3 piliers, environnemental, social et économique.
Dès lors, on attend d’elle qu’elle protège les ressources (eau-sols-biodiversité) et même qu’elle rende des services environnementaux, en absorbant des GES (Gaz à Effet de Serre) par exemple. Mais elle doit assurer aussi la pérennité économique des fermes et des revenus convenables pour tous ses acteurs.
A plusieurs on est plus forts
On trouve depuis longtemps des tenants de l’agriculture durable dans les CIVAM (Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural). Certifiés en Bio ou pas, respectant la charte des Producteurs Fermiers, tous souhaitent se former, échanger et agir ensemble. Leur agriculture s’inscrit dans une dynamique, adaptée à chaque ferme. Elle se rapproche de la définition de l’agriculture paysanne.
Le réseau s’adresse bien sûr aux agriculteurs mais aussi aux collectivités, aux habitants, ruraux et consommateurs… Parmi leurs valeurs, l’autonomie et la viabilité des fermes, des pratiques d’économie des ressources ou encore la connexion au territoire.
Des pratiques respectueuses
Très concrètement, les CIVAM travaillent sur l’agroforesterie, sur une gestion de l’eau plus efficace, sur l’autonomie des fermes d’élevage, ou encore le compostage à la ferme (notamment les déchets verts en zone méditerranéenne). Objectif ? Introduire des économies dans les pratiques. Autant sur les intrants que sur l’usage de l’eau et de l’énergie, mais aussi du temps consacré à l’ouvrage. Et bien sûr insérer les fermes dans un maillage local, et dans des initiatives communes, en cohérence avec le système alimentaire local.
Beaucoup de questions
Mais pour Florian Carlet, animateur-coordinateur au Groupement Régional des CIVAM PACA, Il n’y a pas de recette toute faite de l’agriculture durable, il n’y a que des idées à aller piocher et à adapter – ou non – sur sa ferme ».
Changement climatique, tensions sur le foncier et les ressources, dépendance aux marchés mondiaux, l’agriculture fait face à des défis majeurs. « Beaucoup de questions émergent, poursuit celui qui anime aussi le réseau « Agricultures durables en Méditerranée». Combien de temps pourra-t-on irriguer sans conflit majeur sur l’eau ? La viticulture a-t-elle sa place dans les territoires où une production alimentaire (céréales, légumes, élevage…) est possible ? Faut-il relocaliser la production agricole autour des villes ? Toutes ces questions montrent à quel point une agriculture durable doit non seulement être pensée à l’échelle de la ferme mais aussi d’un territoire, avec ses contraintes propres ».
Du côté des Bio
Forts de leur certification qui garantit leurs pratiques, les agriculteurs bio revendiquent un modèle abouti. Dans chacun des 6 départements de la région, ils se sont organisés en association, AgriBio, et au niveau régional avec Bio de Provence. Au programme, innovation et pratiques durables.
Bio mais pas que…
Installé sur 5 ha en maraîchage et fruitiers à Briançonnet, dans les Alpes Maritimes, Pierre Koffi Alanda vient tout juste de prendre la présidence de Bio de Provence.
« L’agriculture durable est une alternative au modèle conventionnel, explique le maraîcher. En Bio on a un cahier des charges avec des contrôles stricts par rapport à l’utilisation des produits. Mais au-delà, nous sommes attachés à la place de l’humain ».
Aussi la FNAB (Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique) travaille sur un cahier des charges plus exigeant que l’européen. « Un label Bio France Equitable , déployé dans les régions, qui permettra de pousser notre démarche notamment sur le plan humain et social, poursuit Pierre. La Bio ne peut pas être purement commerciale, mais elle doit respecter l’éthique et l’environnement. Par exemple, la rémunération doit être équitable tout au long de la chaîne de distribution ».
Des écueils et des atouts
La Bio en Paca, comment ça va ? Pas mal… Elle continue à croître au rythme de 10% par an. Aujourd’hui on compte 4479 fermes en bio, et la région est toujours la première de France par rapport à la Surface Agricole Utile (SAU), soit plus de 35% en 2021. Et sur la 1ère marche du podium, les Hautes Alpes, à 38%.
Malgré tout, le nombre global de producteurs continue à baisser. Et le prix du foncier est un obstacle majeur à la reprise et à l’installation. Pour autant, des solutions existent. « Notre réseau travaille avec d’autres acteurs, comme Terre de Liens et les Safer, précise Pierre Alanda. Et nous accompagnons les territoires, notamment au travers des Projets Alimentaires Territoriaux, qui ont pour objectif de relocaliser l’agriculture et l’alimentation ».
Des filières en réussite
85% du riz bio français est produit dans la région ! Autres productions, les plantes médicinales, les oliviers, le maraîchage et le vin bien sûr. Dans le Var, de nombreuses conversions ont eu lieu ces dernières années. Malgré –ou à cause de –ces succès, la production régionale bio est loin de satisfaire la demande. Même si, à la sortie du confinement, qui avait vu ses ventes augmenter, un fléchissement s’est manifesté.
Face au changement climatique
« Tous les voyants sont au rouge, face aux 80% de déficit en eau, s’alarme le président de Bio de Provence. Mais nous travaillons sur des systèmes innovants. Notamment les techniques de travail du sol et la présence de prairies autour des fermes ». Sans recours aux intrants de synthèse, les bio garantissent la qualité des sols et donc celle de l’eau souterraine. Un sacré service rendu à l’environnement et à la santé publique, tout autant qu’une belle économie sur les coûts de traitement et de soins. Et « Un sol bien travaillé est un piège en eau et en carbone »conclut Pierre Alanda.
« Et puis nous travaillons sur la qualité des semences. Il s’agit de choisir celles qui s’adaptent le mieux à l’évolution du climat, mais aussi à chaque territoire. Cela en partenariat avec le réseau Semences paysannes. L’Europe a déjà évolué sur la question. Mais nous voudrions aller plus loin avec la création d’une banque de semences anciennes dans chaque département ».
Des réponses durables
« On a le climat et le soleil, on peut arriver à l’autonomie alimentaire, souligne l’agriculteur. Pour cela, il faut non seulement arrêter de perdre des surfaces agricoles, mais en reconquérir ! Il faut que les élus prêtent l’oreille à ce problème et qu’ils accompagnent les organismes agricoles dans ce travail, conclut le responsable agricole. Il faut garder notre région à la 1ère place en France, et une région propre ! ».
La bio en Paca (2021)
-Surface agricole utile 32.4%, 1ère région française
-4479 fermes bio, 438 de plus en un an, soit +10.8%, 4e région française
(derrière Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle Aquitaine)
-187136 ha (bio et conversion), soit +10.6 en un an
Agricultures durables en Méditerranée
Le site Ad Med propose un ensemble d’actions dans les régions Occitanie et Sud-Paca, bordant la Méditerranée. Mis en oeuvre par le réseau des CIVAM, il se veut un portail de ressources et de témoignages, mais aussi une vitrine des actions conduites.
Les acteurs y trouvent contacts, projets et journées techniques d’échange et de formation.
Objectif ? Favoriser des pratiques économes et autonomes, en cohérence avec les territoires et les systèmes alimentaires locaux.