Crédit Patrick gherdoussi/divergence-images/utilisation soumise à conditions

Il y a quelques mois, la militante Nelly Pons publiait « Océan Plastique », une enquête sur la prolifération des déchets en mer et  les pistes d’actions pour contrer ce phénomène. Nous remettons en ligne l’article écrit à cette occasion, alors que l’auteure s’insurge cette semaine contre les rejets consécutifs aux fortes pluies de lundi à Marseille, dans un contexte de  grève des éboueurs.

[Photo de Une : crédit Patrick gherdoussi/divergence-images/utilisation soumise à conditions]

 C’est un constat bien sombre que dresse Nelly Pons dans son ouvrage « Océan plastique » (Actes Sud). Mais elle trace aussi des pistes d’actions et d’espoir. Son enquête traque les plastiques, tous les plastiques, depuis les gros objets jusqu’aux redoutables nanoparticules invisibles mais partout présentes, dans l’eau, dans l’air et dans les espèces marines. Même les plus petites, mêmes les plus cachées. Une pollution à 80% d’origine terrestre.

Ces plastiques constituent désormais de nouveaux continents à la dérive, dans les différents océans du globe. Une « plastisphère » qui abrite, héberge et transporte des milliards de particules, issues des additifs et plus ou moins pathogènes.

La Méditerranée comme les océans

Notre région que baigne la Méditerranée n’est pas épargnée, bien au contraire. Mer semi-fermée, avec 150 millions d’habitants en zone côtière, plusieurs fleuves majeurs, un tourisme bien développé et 30% du trafic maritime mondial, la Méditerranée est la 6e zone d’accumulation de déchets marins. Selon Nelly Pons, elle représente 1% des eaux mondiales mais concentre 7% de tous les microplastiques et 500 tonnes y arrivent chaque jour.Expédition MED contre les déchets plastique en mer

Loin de s’en tenir à ce constat plutôt décourageant, Nelly Pons recense et rencontre les acteurs et organismes mobilisés contre cette pollution. Ils sont nombreux, divers, scientifiques ou simples citoyens, et agissent à différents niveaux. Du basique ramassage jusqu’à la proposition de matériaux non polluants en passant par l’étude des conséquences de la présence de ces plastiques sur les océans, leurs hôtes et leur fonctionnement.

Initiatives Méditerranée

En 2014, la goélette Tara y a mené à bien une mission de 7 mois. Cette étude scientifique qui impliquait des laboratoires de recherche du monde entier s’est intéressée aux plastiques présents, à leur caractérisation et à leurs conséquences sur le milieu.

Autre initiative, celle de Bruno Dumontet, qui organise des  expéditions en Méditerranée depuis une dizaine d’années sur les déchets plastiques, avec son association Expedition Med. Elles mêlent scientifiques et écovolontaires et s’intéressent aujourd’hui à la plastisphère. Le militant travaille aussi à la sensibilisation du public et à la question des plastiques alternatifs.affiche film le Grand Saphyr

Emmanuel Laurin lui, a nagé 100 km entre Toulon et Marseille pour collecter des déchets plastiques et il en a fait un film, Le Grand Saphyr. Il a aussi coorganisé le Grand défi, initiative de ramassage à la nage, à pied et en kayak…. Son association Sauvage Méditerranée recycle les déchets plastiques et bois, comme les filets de pêche, en bijoux.

L’auteur cite enfin Ghost Med. Ce programme rassemble pêcheurs, scientifiques, gestionnaires d’aires marines et observateurs, tels que les plongeurs. L’objectif est de signaler des filets de pêche  perdus et de les enlever éventuellement. Cette initiative pilotée par l’Institut de recherche Osu Pytheas de Marseille a vocation à s’étendre à toute la Méditerranée.

Se passer du plastique ?

Nelly Pons développe toutes les pistes qui s’offrent à nous pour nous délivrer – et les océans avec nous – de la tyrannie du plastique. Mais il suffit de jeter un œil autour de nous, dans nos maisons, au bureau, en voiture… pour constater que l’entreprise n’est pas simple.

Calanques propres par l'asso Mer Terre

Si la collecte, le recyclage, la valorisation semblent le b.a-ba indispensable, ces actions ne serviront à rien si l’on ne tarit pas la source. Il y faudra l’adhésion de tous, citoyens, élus, producteurs, chercheurs, consommateurs… Il faudra sortir du pétrole et de la chimie, inventer de nouveaux matériaux avec le souci de leur innocuité sur la santé et l’environnement, et donc changer totalement nos habitudes et notre mode de vie. Agir sur le « tout de suite », le « demain » et l’ « après-demain ».

« Lorsque nous le voulons, nous le pouvons »

A nos questions sur son état d’esprit face à une telle tâche, Nelly Pons l’admet : « c’est un voyage qui ne laisse pas indifférent, c’est certain. Mais ce qui m’a frappé, c’est qu’une fois que l’on a osé pénétrer dans la complexité et défaire un à un les noeuds de la compréhension, le chemin à suivre pour sortir de la crise devient alors limpide. Maintenant, déciderons-nous de l’emprunter? Si seul l’avenir le dira, ce qui est sûr, c’est que lorsque nous le voulons nous le pouvons, comme en témoigne la mobilisation internationale des années 1980 pour lutter contre le problème colossal, vital et planétaire du trou de la couche d’ozone. Reste maintenant à faire la même chose pour la pollution par les plastiques !».

L’enjeu est primordial et le défi, magnifique. L’enquête de Nelly Pons nous y invite.

Océan plastique-Editions Actes Sud-Domaine du possible-octobre 2020-22€

Octobre 2021 : L’appel de Nelly Pons

«Vous avez suivi ce qu’il se passe à Marseille. Les inondations et la catastrophe environnementale, avec l’arrivée massive sur les côtes, les plages ainsi que dans la mer des déchets accumulés lors de la grève des éboueurs. Et maintenant, la levée du Mistral qui va pousser tout ces ordures vers le large et d’autres zones côtières

Des associations présentes

C’est en ces termes que la militante et auteure s’adresse à toutes les bonnes volontés. Mais aussi donne un coup de chapeau aux associations présentes sur les plages pour réduire l’impact des déchets accumulés.  Ce sont notamment Mer-Terre, Surfrider, Un déchet par jour ou encore Explore Préserve et SeeSheaperd
Mais Nelly Pons va plus loin. Au-delà de l’urgence, elle en appelle à la réflexion, aux actions et à des politiques à mettre en oeuvre. 

La nature a des droits

«Je milite, dit-elle, pour la reconnaissance des droits de la nature et du crime d’écocide au travers, notamment, du travail remarquable de la juriste Valérie Cabanes (http://valeriecabanes.eu). La députée européenne Marie Toussaint, elle, a fait de la reconnaissance des droits de la nature en Europe un de ses combats clés. Elle mène actuellement une consultation, je vous invite à y participer :
 
Le lien avec la catastrophe en cours est évident. Quand on a la structure juridique adéquate, on peut condamner. Et quand on paye, cher, on s’organise pour ne pas que cela se produise...»