L’upcycling ou l’usage inédit de produits locaux participent de la transition écologique, grâce à l’économie de déchets réalisée. Depuis quelques années en Provence, des acteurs proposent des solutions intelligentes. Tour d’horizon d’idées novatrices dont Bleu Tomate s’est fait l’écho.
1/ Une nouvelle vie pour les déchets marins
Marque créée par l’association Sauvage Méditerranée, « Sauvage », à Aix-en-Provence, propose des produits écos-conçus à partir de déchets collectés en mer ou sur les plages. Plastiques marins, filets de pêche oubliés et voiles usagés, verres polis par la mer et déchets divers sont collectés par des associations locales de protection de l’environnement et récupérés par Sauvage Méditerranée.Des bijoux créés à partir de résidus de verre. Crédit Sauvage Méditerranée.
L’atelier d’Aix, créé en 2018… avec des matériaux recyclés, les transforme ensuite en objets, boucles d’oreille, bracelets, colliers, sacs, pochettes, porte-clefs et même gourdes thermos. L’énergie utilisée pour cette fabrication est durable grâce à un contrat passé avec un fournisseur vert, ekWateur. La vente des produits (boutique en ligne) permet de financer des structures engagées contre la pollution en Méditerranée.
2/ Le chanvre, produit « tout en un »
Au 17ème s, Marseille était l’un des plus grands comptoirs au monde de fabrication de cordages et de commerce du chanvre. Cela a donné une idée à Axel Bougrainville. Pourquoi ne pas la cultiver à nouveau en Provence ? Ainsi est née ABC Chanvre, à Arles, en 2019. Après avoir convaincu des agriculteurs de Camargue et de la Crau de replanter des parcelles, une trentaine d’ha est aujourd’hui cultivée en bio (la plante ne nécessite pas de produits phytos).Le chanvre est une plante écologique : un hectare de chanvre a la capacité de stocker 15 tonnes de CO2. Crédit ABC Chanvre
Objectif : créer une filière régionale de fabrication de produits alimentaires et cosmétiques, textiles et plastiques bio-sourcés, panneaux d’isolation phonique et thermique… Car tout est valorisable dans le chanvre, graine, fibre, paille, chènevotte (cœur de tige). C’est une plante zéro déchet. Prochaine étape pour ABC Chanvre : une unité de défibrage en 2023.
3/ Canne de Provence… pour ne pas rester sur la paille
La canne de Provence, ou roseau, est une plante invasive. Elle pousse dans les zones humides, marécages ou rives de cours d’eau. Celle que les sagniers coupent encore en Camargue pour confectionner des toits de chaume ou des isolants est aussi une ressource prometteuse pour supplanter le plastique. Ainsi qu’une matière précieuse pour… les musiciens – elle sert à fabriquer des anches pour les instruments à vent.
La conviction de Nicolas Patacchini de pouvoir en faire bon usage l’a amené à fonder Les Pailles de Provence, dans le Var. L’idée : fabriquer des pailles (pour boire) mais aussi des cendriers de plage, des étuis, des salières, des porte-additions… La matière première provient du ramassage de la plante à l’état sauvage et de cannes coupées dans le cadre de chantiers de lutte contre les inondations.
4/ Des fruits « oubliés » transformés en jus
En Provence, il n’y a pas que des vergers aux rangs bien alignés. Il existe aussi de nombreux arbres fruitiers oubliés ou aux fruits délaissés. Qui pourrissent dans l’arbre ou au sol. Cela a donné l’idée à Lionel Tribollet, à Roussillon (84), de lancer son activité, sous le nom de Jus Pur Lub. Avec un projet plein de bon sens : presser à domicile les fruits dont les propriétaires ne veulent pas (ou qui n’ont pas le temps de les ramasser) et ceux des arbres « abandonnés » dans les campagnes. Pour en faire des jus de fruits.
Pommes, poires, raisins, coings, fraises… Lionel Tribollet s’est équipé d’un broyeur, d’un pressoir, d’un appareil de pasteurisation et parcourt le Luberon avec un véhicule, à la rencontre de ses clients. Qui en général organisent une cueillette collective et achètent ses jus à prix modiques pour leur usage personnel. Ou, s’il s’agit d’agriculteurs ou de chambres d’hôtes, les revendent à leurs clients. Un bon deal d’économie circulaire anti-gaspi !
- Autre initiative sœur : celle de l’entreprise A Côté, à Avignon. Elle récupère des légumes et des fruits bios « déclassés » ou en surplus qu’elle transforme en jus, soupes et autres produits, sous la marque « Local en Bocal ». A (re)lire ici dans Bleu Tomate.
5/ Résurrection pour meubles usagés
Que faire de meubles dont on ne veut plus… Les apporter à la déchetterie ? Les laisser croupir dans un garage ou un grenier ? A Jouques (13), un atelier a trouvé la solution : les relooker pour les remettre sur le marché. L’activité est proposée par Elan Jouques, une association qui favorise l’économie circulaire et remet le pied à l’étrier à des adultes éloignés de l’emploi, à travers plusieurs métiers.
Une fois rénovés ou transformés, les meubles (ou objets de déco) sont vendus en ligne ou prennent la direction de la boutique de l’association, ouverte au village dans l’ancienne école communale. Ils sont vendus à « prix sociaux » et rejoignent d’autres foyers du village, façon, là aussi, de dynamiser l’économie circulaire. La quantité de mobilier offert est telle que l’association a aménagé deux immenses containers pour les remiser !
6/ Des vieux containers aménagés en… magasins
C’est l’un des paris réussis du Village des Talents Créatifs, à Puget-sur-Argens (83). Lancé en 2017, ce projet de centre commercial alternatif pour promouvoir la production française, artisanale et l’économie sociale et solidaire (on appelle cela un tiers-lieu), se présente sous la forme d’un assemblage de… containers maritimes transformés en boutiques de vente.
Issus de l’activité maritime, ces caissons forment l’architecture générale du lieu. Ils ont été isolés avec de la paille, étanchéifiés à la chaux, équipés de modules en bois issu de forêts françaises éco-gérées et égayés de peintures naturelles et de matériaux bio-sourcés. Un bel exemple d’éco-conception.
7/ Aujourd’hui des résidus agricoles, demain des agro-matériaux
Un atelier où travaillent designers, ingénieurs, botanistes, architectes… Ainsi se présente l’Atelier LUMA, à Arles, un think tank et centre de recherche qui s’appuie sur les ressources de la région pour inventer de nouveaux usages aux résidus agricoles. Au pied de la tour de 56 m de Frank Gehry, architecte star de la Fondation LUMA, cette petite ruche humaine travaille à recycler ces déchets.
Au programme : des études sur les résidus de sel, d’algues, de paille de riz de Camargue, de tournesol… voire de laine de mouton. Autant de produits qui peuvent demain servir de base à de nouveaux matériaux de construction, d’isolation, de conduction… La paille de riz offre ainsi beaucoup d’espoir par ses qualités isolantes et filtrantes. Elle peut être le fer de lance d’une nouvelle filière écotechnologique.
→ Mais encore…
- A Saint-Zacharie (Var), l’association Coiffeurs Justes récupère les cheveux usagés des salons de coiffures pour les recycler en produits dépolluants et isolants.
- A Marseille, la société Enercoop PACA fournit depuis 2013 de l’énergie 100% locale, renouvelable et citoyenne aux particuliers, professionnels et collectivités. 28 sites en région alimentent les clients : 14 centrales hydrauliques, 13 toitures solaires et 1 éolienne.
- A Meyrargues (13), l’association Pamoja organise chaque année une gratiféria, une forme de marché 100% gratuit où chacun donne des objets dont il ne veut plus. Idéal pour favoriser le recyclage et la réutilisation.
- Un peu partout en Provence, le traitement des déchets verts ou organiques en compost progresse. Parmi les exemples relatés par Bleu Tomate : l’association Semailles, à Avignon, et ses ateliers pour apprendre à faire du compost ; Zéro Waste, à Marseille ; Les Alchimistes, à Toulon ; le camping Le Vallon, à Bonnieux et son potager en permaculture nourri au compost de recyclage de déchets du camping…