Issue d’une famille d’agriculteurs, Nora a étudié la biodynamie en Suisse. En 2007, elle tombe sous le charme de la Provence… et de son mari Laurent. Elle s’installe en 2016. Nous avons rencontré cette passionnée qui fait rimer conscience de l’environnement et vie au grand air.
Dans le moyen Var, au milieu des immensités de vignes près du village de Cotignac, une expérience humaine originale se noue. La ferme agricole biodynamique Les Papillons Verts se dévoile au détour d’un chemin sinueux qui ouvre sur une agriculture diversifiée, mêlant arboriculture, maraîchage et horticulture. Autour de Nora et de sa famille, la culture de la biodiversité et l’essor d’un projet autonome et respectueux du site est en marche depuis 2016.
La lumière, l’eau, la vie
Nora est une jeune femme douce et délicate. Son attitude exprime naturellement un infini respect pour la terre. « Il y a une importance vitale à considérer tous les paramètres locaux pour produire sur un site », dit-elle. En premier lieu, la lumière et l’eau, sources de vie, sont les éléments essentiels qu’elle intègre dans ses choix quotidiens. Vient ensuite le cycle des saisons, de la lune, leurs influences sur le sol et les plantes. Chaque jour, elle compose avec cela pour ses semis, par exemple, et observe leurs effets. Elle renoue ainsi dans sa pratique agricole avec le temps long, l’observation du vivant et l’importance de considérer sa ferme comme un système global.
La ferme est un tout
L’agriculture moderne s’est souvent coupée de ces interactions. Les excès du productivisme ont conduit à considérer une parcelle agricole comme une simple surface, à laquelle était attachée une productivité donnée. Comme une page blanche presque inerte, à laquelle on ajoutait ou enlevait des composants pour donner des résultats quantitatifs.
Pour Nora, sa ferme est un organisme vivant qui entretient des relations complexes avec son environnement. Le rythme lunaire, planétaire, l’orientation des parcelles, leur protection contre les vents dominants, leur voisinage avec des espaces forestiers, la diversité cultivée sont des paramètres qui forgent la vigueur d’une terre. Et donc sa productivité, au sens de la « ressource qu’elle peut donner » à ceux qui la font prospérer. Plutôt qu’une logique de rendement, elle recherche l’autonomie, la prévention des déséquilibres pour éviter les maladies et la rotation des cultures pour conserver la diversité locale. Ce sont les préceptes du père fondateur de la biodynamie, l’austro-suisse Rudolf Steiner, au début du 20e siècle.
De l’importance du sol
Tout part de là. Le sol, les racines, fondements de tout édifice, sont pour Nora « les premiers piliers indispensables pour bâtir un projet autonome et durable ». Elle attache une importance particulière à la confection de son compost avec la coopération d’autres agriculteurs locaux pour créer des mélanges nourriciers. Pour ses amendements du sol, élaborés à la main et appliqués à dose homéopathique, elle utilise la pharmacopée de la biodynamie : l’ortie, l’écorce de chêne, l’achillée, le pissenlit, la bouse de corne et la silice entre autres. Les animaux aussi sont inclus dans la démarche. Quelques poules, chèvres et moutons, apportent de la matière organique et participent au débroussaillement mécanique de la colline, là où c’est nécessaire.
Au jardin, Nora teste des associations de différentes familles de végétaux – légumes, fleurs comestibles, plantes médicinales et aromatiques. Elle sélectionne des variétés locales, notamment en arboriculture, où elle coopère avec les acteurs locaux de la Prune de Brignoles, de la Figue Blanche de Salernes ou du Coing de Cotignac. Elle produit ses plans, fait ses boutures. Et vend en direct, à la ferme dans les foires aux plants et sur les marchés, pour prolonger la démarche jusqu’au consommateur.
De l’humilité et du partage
Chaque année, avec le soutien de la mairie de Cotignac (sauf en 2020, COVID-19 oblige), elle organise les rencontres de la biodynamie avec d’autres acteurs engagés, professionnels ou amateurs passionnés de jardinage. Pour Nora, c’est aussi une manière de mieux comprendre ce qui se joue sur sa terre, de rendre compte de ses observations et de trouver collectivement de nouvelles solutions. Selon elle, « tout n’est pas scientifiquement démontré à ce jour, mais ce n’est pas parce que la science ne l’a pas démontré que nous ne l’observons pas ». Elle y invite ainsi ses pairs à partager leurs histoires et leur envie de vivre une agriculture plus autonome et plus respectueuse. En se rappelant l’humilité qu’il faut avoir devant la nature et ses ressources, mais aussi dans un souci de coopération humaine, pour relever les défis qui nous attendent. Une histoire banale mais tellement précieuse pour conquérir sa liberté d’agricultrice.
Les papillons verts comme elle les appelle, sont les papillons « citron de Provence ». Avec leurs ailes d’un jaune tirant sur le vert pâle, ils apparaissent en premier au printemps. Comme la promesse d’un cycle qui recommence et d’une nature endormie qui revient à la vie. Une belle histoire d’alchimie entre la nature, les plantes et les hommes.
Pour aller plus loin
Le Mouvement pour l’Agriculture Biodynamique (MABD)
Demeter, le Label de certification de l’Agriculture Biodynamique
Bonjour Anne-cecile, merci pour ce temps d echange et pour ce très belle article qui transforme magiquement nos balbutiements en une belle description poétique. A bientôt Nora
Merci Nora pour ce temps de partage et belle aventure, il y a encore tant à faire !
Authentiquement. Anne-Cécile