A Saint-Charles-Belle de Mai, à Marseille, l’association Juxtapoz a resociabilisé cet ancien couvent, devenu une cité d’artistes. Havre de paix, le lieu est encore confidentiel. Mais son avenir reste incertain, conditionné au projet de « quartier libre Saint Charles-Belle de Mai ».
Quartier Saint Charles, tout près de la Friche de la Belle de Mai, se trouve un îlot de verdure, caché derrière de hauts murs de pierre, le couvent Levat. Habité pendant quasiment deux siècles par des sœurs, il a été racheté en 2016 par la ville de Marseille. Depuis trois ans, l’association Juxtapoz s’occupe de la gestion du lieu grâce à un bail d’occupation précaire qui a été prolongé d’une année et prendra fin en avril 2021. En échange de la mise à disposition gratuite du bâtiment, l’association a transformé les locaux en cité d’artistes et ouvert le magnifique jardin au public.
Le travail ne s’est pas fait sans peine. « Il y a eu un tas de choses à reprendre dans ce lieu entouré de murs et habité pendant tant d’années par des femmes. Certains hommes croyaient toujours ne pas avoir le droit d’y entrer ! », explique Maureen Cordovado,médiatrice de Juxtapoz. « Notre arrivée a été compliquée car nous n’étions pas d’ici. Au bout de trois ans, la fréquentation des habitants du quartier est devenue plus importante, grâce aux autres associations qui œuvrent chez nous ».
La cité d’artistes et ses designers, peintres…
35 000 euros de travaux ont été investis pour mettre l’électricité dans les étages, refaire la plomberie et convertir les anciennes cellules en ateliers d’artistes de 7, 14 et 21 m². Dans l’ancien lavoir, un collectif de designers en mobilier urbain s’est installé. L’ancien entrepôt pour le foin est, lui, occupé par un collectif spécialisé en arts numériques. La sacristie est devenue une salle polyvalente pour pallier le manque d’espace dans le quartier.
L’association Mot à Mot enseigne ici le français à des femmes du quartier et elle occupe également une parcelle potagère. Aujourd’hui, 41 ateliers et 90 résidents composent la cité d’artistes. On y trouve un label de musique, un designer, des peintres, un photographe… « Elle est autofinancée par les loyers générés par l’occupation des anciennes cellules. Cela nous rend très fiers de savoir que cette cité est complètement indépendante », se réjouit Maureen.
Le jardin, des plantes, un verger
L’ancien couvent abrite aussi un jardin de 17 000 m², idyllique dans ce milieu urbain dévoré par un béton omniprésent. Accessible du lundi au vendredi, il reçoit des habitants qui viennent se poser un moment, comme cette femme avec ses deux petits enfants, installés sur un plaid, profitant du calme du matin. Ici, c’est un havre de paix où on se rencontre, on échange, un lieu pour tous, à condition de respecter quelques règles : ne pas jouer au ballon, emprunter les sentiers dessinés au fil des ans pour empêcher les restanques de s’effondrer.
On trouve une importante diversité d’espèces, on en dénombre déjà 200 et un travail de recensement est en cours. Il y a aussi un verger et une oliveraie dont on peut ramasser les fruits. Maureen raconte les moments de partage, comme « en novembre, nous avons organisé la cueillette des olives qui ont été amenées au moulin associatif de Château Gombert. Ensuite une dégustation a été offerte ».
Des ruches et des potagers
Sur les huit parcelles potagères, deux sont gérées par l’école Cadenat et l’école des Entrelats. Plus loin, 1500 m² sont répartis en six parcelles. Une est réservée aux résidents du couvent, une autre pour le lycée Victor Hugo et des associations comme « Les amis du jardin Levat », qui jardine tous les mercredis et dimanche après-midis.
Une prairie, qui accueillait autrefois une vache, abrite maintenant des ruches. La ville de Marseille apporte des financements qui servent à l’aménagement de tables de pique-nique, à payer le salaire du jardinier et l’eau agricole.
Le jardin est administré en gouvernance partagé par un comité de gestion composé d’urbanistes en charge du projet « Quartiers Libres », d’un sociologue, de la ville de Marseille, de Juxtapoz, du jardinier et des représentants des habitants du quartier.
Futur proche
L’échéance d’avril 2021 va toutefois arriver vite. Juxtapoz est habituée à ces déménagements mais que va devenir cette oasis à l’heure de leur départ ? Un grand projet urbain dans le quartier est piloté par la Métropole Aix Marseille Provence. Appelé « quartier libre Saint Charles-Belle de Mai », il comprend la restructuration de la gare St-Charles qui est en cours et celle de la Belle de Mai.
Ce projet intègre les aspects habituels de tout projet urbain : la mobilité, l’habitat, la culture, les écoles… Le site a été racheté en 2016 en lien avec Quartier Libres et le couvent est le premier site actif dudit projet.
A l’heure actuelle, le contenu reste flou mais il existe au moins trois invariants concernant le couvent : le jardin doit rester ouvert au public ; il doit garder une fonction agricole ; et le bâtiment doit demeurer public. Deux concertations locales ont déjà eu lieu. Dans le quartier, il manque une bibliothèque, une crèche… Affaire à suivre.
Pour aller plus loin
Infos pratiques
En hiver, le jardin est ouvert du lundi au vendredi de 9h à 17h et le dernier dimanche de chaque mois, un goûter est offert à tous les visiteurs.
Du 15 mai au 20 septembre, du mercredi au dimanche de 12h à 22h, des programmes artistiques gratuits sont proposés. Une buvette et un espace de restauration sont aussi ouverts pendant la saison estivale.
Pour rester informer, abonnez-vous à la page Facebook « Atelier Juxtapoz-Le Couvent » ou aller sur le site internet atelier-juxtapoz.fr
L’association Juxtapoz
L’association marseillaise Juxtapoz a 10 ans. Sa mission ? Mettre en place des projets artistiques et culturels afin de faire fonctionner des cités d’artistes et favoriser les collaborations. Elle occupe des lieux en les transformant en cité d’artistes et galeries. Ces espaces de vie deviennent des passerelles entre l’art et les habitants. A leur actif, une belle réussite : l’exposition « Aux tableaux » dans l’ancienne école Saint- Thomas-d’Aquin, en 2015. Elle leur a permis d’être sollicitée par la ville de Marseille pour occuper le couvent Levat.